1.7. L'identification en clin d'œil

1.7.1. Une posture existentielle.

Il est certes ambigu pour un aristocrate ou pour une personne de qualité de s'identifier au berger idéalisé de l'Arcadie, ce héros proche des dieux, vivant sans contrainte, dans un univers bienheureux qui ne distingue pas plaisir et travail. En effet, cette identification opère à partir d'une mise en scène qui utilise comme « matière première » des paysans réels au travail exténuant, dans le misérable décor de la ruralité réelle des XVIIe et XVIIIe siècles.

Nous avons appelé Identification en clin d'œil 1 la posture existentielle qui permet de négocier l'ambiguïté. Phénoménologiquement on pourrait dire que l'identification en clin d'œil dit le vrai/faux. Il s'agit d'affirmer et de dénier l'affirmation, de se faire villageois sans que personne n'en soit dupe pour signifier que l’on n’est pas ce que l'on dit être. On est villageois car la figure en est idéalisée, elle relève du mythe, mais, simultanément on est non-villageois car on ne saurait être identifié au personnage réel dans sa facticité. L’ambiguïté ne résulte pas d'une contradiction, mais d'un paradoxe. A un premier niveau, je m'identifie au berger que je mets en scène, à un deuxième niveau je réfute cette identification puisqu'il me faut devenir Apollon sous l'apparence du berger.

Nous disons que ce mécanisme en clin d'œil n'est ni un simple déguisement conventionnel ni le résultat d'un jeu de rôle superficiel ou dérisoire. Pour appuyer cette conviction et pour illustrer ce qui vient se loger dans cette démarche en « clin d'œil », nous analyserons brièvement un signifiant de l'attachement trans-générationnel au milieu rural que l'on peut observer dans notre société contemporaine. Retournant, ensuite, à l'époque baroque, nous proposerons une rapide analyse de la posture existentielle du Monsieur Jourdain de Molière qui montre un déficit en matière de clin d’œil ce qui le rend comique.

Notes
1.

FUSTIER, Paul, « Vielle à roue et célébration baroque », L'effet trompe l'œil dans l'art et la psychanalyse, (sous la direction de R. Kaës), Paris, Dunod, 1988, p.147/164.