On aurait malheureusement tendance, disent les critiques, à penser qu'il suffit de « faire campagnard » pour produire une œuvre d'art, ce qui, pensent-ils, arrangerait bien certains auteurs dont le talent est médiocre.
‘« Tout ce qui se passe à la campagne n'est point digne d'entrer dans la poésie Pastorale »nous prévient déjà l'Encyclopédie 1 . On peut le dire aussi de façon plus affirmée : « Il faut avoir été comme moi vingt ans à la queue d'une charrue, [écrit un auteur anonyme pour justifier ses attaques contre les œuvres musicales de Rousseau, avant de poursuivre] : leurs propos [des compositeurs comme Rousseau] méritent à peine une place à côté des Ponts neufs. Aussi, n'en déplaise à la cour et à la ville, plusieurs airs n'ont fait fortune que parce qu'ils étaient chantants ou plutôt faciles à retenir » 2 .’Dans une langue plus apaisée, mais pour un jugement qui reste critique, Framery, toujours à propos de Rousseau, peut déclarer : « Lui-même, en nous rendant compte de son éducation, nous fait voir qu'il ne la [la science musicale] possédait que superficiellement. Les ouvrages en musique qu'il nous a laissés le prouvent mieux encore » 3 . Sévère aussi est le jugement porté par Charles Bâton 4 : « M. Rousseau, ayant envie de faire de la musique, aurait du, en admirant Corelli, l'étudier un peu plus ». Et l'auteur ajoute en note en bas de page : « Voyez les symphonies du Devin du village ; trois traits de chant, répétés dans la même partie, forment le tissu du premier morceau de l'ouverture ; tout le reste est un peu dans le même goût, et l'on ne trouve aucun passage qui puisse caractériser un génie musicien ».
DIDEROT, d'ALEMBERT, op. cit. art. « Pastorale », (signé D.J.).
ANONYME, Lettre d'un Visigoth à M. Fréron sur sa dispute harmonique avec M. Rousseau, Paris, 1754, 20 p.
FRAMERY, GUINGUENE, DE MOMIGNY, Encyclopédie méthodique, Musique, Paris, 1741/1818, «Préliminaires », p.VI.
BATON, Charles, Examen de la lettre de M. Rousseau sur la musique française, Paris, 1754, p.29.