2.4.2. Du coté des instruments

Il y a des instruments « bornés » qui ne sauraient que demeurer dans le rustique sans pouvoir le dépasser. Vielle et musette, parce qu'elles sont populaires, limitées dans leurs possibilités techniques, sont particulièrement concernées par cette appellation. Elles produisent une musique vulgaire qu’un mauvais goût incite à imiter sur des instruments nobles. L'orgue « était autrefois un instrument grave et majestueux d'une harmonie pleine et variée. Aujourd'hui on le prendrait tantôt pour une musette, tantôt pour une vielle ; et l'organiste semble se piquer de l'imitation des Instruments les plus vulgaires, des chants les plus rustiques… » 1 . La fureur de la mode entraîne un « faux goût » 2 : « tandis que l'on s'efforce vainement de faire valoir des instruments si bornés (la musette et la vielle), on laisse perdre l'usage des plus estimables. Le luth et le théorbe si nobles sont supprimés, et l'on ne peut attribuer cette suppression qu'au faux goût du temps » 3 .

Nous verrons ultérieurement que la vielle, à l'origine entre les mains des gueux et des mendiants, sera particulièrement visée par ces attaques. Pour Ancelet, cet instrument est désigné explicitement comme borné, bien que des virtuoses (Danguy) « trouvent les moyens de plaire » lorsqu'ils en jouent 4 .

Pour Francoeur, les instruments à vent, à l'exception de la flûte traversière, sont aussi considérés comme plus ou moins bornés : « La grande Flûte est de tous les instruments à vent, le moins borné tant par son étendue dont tous les Sons sont très justes que pour la facilité des traits qu'on peut y exécuter » 5 .

Notes
1.

BOLLIOUD de MERMET, op. cit. p.34.

2.

BOLLIOUD de MERMET, op. cit. p.20.

3.

BOLLIOUD de MERMET, op. cit. p.67.

4.

ANCELET, Observations sur la musique, les musiciens et les instruments, Amsterdam, 1757. Fac simile : Genève, Minkoff, 1984, p.32.

5.

FRANCOEUR, Louis Joseph, Diapason général de tous les instruments à vent, Paris, 1772. Fac simile : Genève, Minkoff, 1972.