2.5.3. L'excès et ses raisons.

Les boursouflures, les extravagances, les bizarreries proviennent d'une position « en excès », d'un emballement de la virtuosité, qui, selon nos auteurs perd le sens et n'est plus maîtrisée. Il s'agit « d'éblouir par ce faux brillant » 3 dans des compositions « hérissées de difficultés » 4 . « Haïssons l'excès ; faisons-nous une habitude et un mérite d'avoir, sans quartier, du mépris et de l'aversion pour tout ce qui aura du trop » 5 . La position de Rousseau est identique : « Naturel se dit encore de tout Chant qui n'est ni forcé ni baroque, qui ne va ni trop vite ni trop lentement » 6 . Sont visées dans ces critiques la virtuosité mélodique (le fameux trop de notes reproché à Mozart par Joseph II), mais aussi une trop grande densité d'évènements musicaux dans l'harmonie (le même Joseph II disait de Don Giovanni : « trop épicé pour mes Viennois »).Les plus extrémistes des critiques opposeront « le charivari des sonates » et « la musique bruyante » aux airs anciens « qui plaisent toujours aux oreilles sensibles aux agréments simples de la nature ». 1

L'excès ainsi critiqué concerne une virtuosité « qui, prenant son envol, se déploie pour elle-même en un pur jeu de formes sonores en mouvement », à l'inverse d'une virtuosité « entièrement vouée à la plénitude de l'expression », selon une distinction proposée par Raymond Court 2 . Quand, la virtuosité tend à se détacher du texte, quand elle devient seulement « prouesse technique » 3 , prétexte à exhibition, alors elle est condamnable.

Notes
3.

ANCELET, op. cit. p.21.

4.

ANCELET, op. cit. p.14.

5.

GRANDVAL, op. cit. p.27.

6.

ROUSSEAU, op. cit. art. « Naturel ».

1.

Le Mercure, Décembre 1746, t. II, p. 165, cité parBRENET, Michel, Les concerts en France sous l'ancien régime, Paris, Librairie Fischbacher, 1900, p.213.

2.

COURT, Raymond, « Rousseau philosophe de la musique. Actualité de sa pensée », Défense et illustration de la virtuosité (Anne Penesco, ed.), Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1997, p.101/112.

3.

SABY, Pierre, « Servitudes et grandeur de la virtuosité dans l’œuvre dramatique de Jean-Philippe Rameau », Défense et illustration de la virtuosité, (Anne Penesco, ed.), Presses Universitaires de Lyon, 1997, p. 81/100.