2.6. L'Arcadienne et l'Emancipée : deux esthétiques confrontées.

2.6.1. L'instrument, l'interprète et le répertoire.

Le destin de ces trois entités est lié. Plus exactement, l'esthétique du répertoire convient à un certain type d'interprète jouant sur un certain type d'instrument. Ainsi le dit Ancelet, qui écrit à propos de la flûte : « Elle sera mieux placée dans les morceaux tendres et pathétiques, dans les accompagnements, dans les petits airs et les brunettes, que dans les sonates et les concertos réservés aux meilleurs maîtres qui ne doivent pas eux-mêmes en abuser » 1

De son côté, à propos du chant, Bacilly se livre à des réflexions parallèles : « Il faut donc conclure en faveur du Chant galant et délicat et dire que l'autre [que Bacilly nomme "Chant animé"] sied mieux dans la bouche d'un Maître Chantre, qui a pour but de régaler une assemblée d'auditeurs, que dans celle d'une Dame qui ne chante que pour son divertissement » 2 .

Ces deux auteurs opposent, ou tout au moins juxtaposent, deux répertoires. Il y a, d'une part les brunettes, les airs tendres et pathétiques (Ancelet), le chant galant et délicat (Bacilly), c'est à dire le répertoire arcadien, il y a d'autre part les sonates et concertos (Ancelet), les chants animés (Bacilly) qui relèvent du répertoire émancipé. Le répertoire arcadien convient à la flûte et à des interprètes qui ne sont pas des « Maîtres » ( Ancelet), ou à des dames chantant pour le plaisir (Bacilly) ; le répertoire émancipé convient moins bien à la flûte et il faut être un maître pour l'utiliser à bon escient.

Notes
1.

ANCELET, op. cit. p.27/28.

2.

BACILLY, Bénigne de, L'art de bien chanter, Paris, 1679. Fac simile: Minkoff, Genève, 1974, p.13.