2.6.3.1. Un travail de la Raison.

Marcelle Benoit, et déjà pour une période allant de 1661 à 1733, insiste sur l'importance de la Raison qui suppose « soumission aux règles, un contrôle du cœur par l'intelligence, une lisibilité des lignes musicales » 1 .

Opposant la pensée de Rameau et celle de Rousseau, Catherine Kintzler montre que ces deux auteurs ne donnent pas au mot nature la même acception. Si pour Rameau la nature est un concept qui se veut « objectif et scientifique » 2 , il est pour Rousseau une affaire de cœur et désigne ce qui constitue chez chaque être humain « sa sensibilité, son émotivité, son sentiment » 3 .

Nous dirons que la musique émancipée se présente théoriquement comme n'étant pas une musique de l'âme et des sentiments, mais une musique de l'esprit, une œuvre issue du travail de la raison. Comme le porte-parole de la musique des sentiments pourrait être Rousseau, le prototype de cette musique émancipée pourrait bien être Rameau, au moins le Rameau théoricien, mais nous reviendrons sur cette question.

Notes
1.

BENOIT, Marcelle, Versailles et les musiciens du roi, Paris, Picard, 1971, p.82.

2.

C’est à peu près dans ce sens que l'on utilise de nos jours le mot « nature » dans des expressions comme « la nature de l'homme » ou « c'est dans la nature des choses ».

3.

KINTZLER, Catherine, Préface, Jean Jacques Rousseau, Ecrits sur la musique, Paris, Stock, 1979, p.XIX.