2.6.6.2. Le traumatisme de 1745.

On sait qu'en 1745, lors d'une représentation chez La Pouplinière des Muses galantes de Rousseau, ce dernier se serait fait violemment apostropher par Rameau qui l'accusa d'être un ignorant. Ainsi le racontera Jean Jacques Rousseau : « Rameau commença dès l'ouverture à faire entendre par ses éloges outrés qu'elle [la musique] ne pouvait être de moi…. Il m'apostropha avec une brutalité qui scandalisa tout le monde, soutenant qu'une partie de ce qu'il venait d'entendre était d'un homme consommé dans l'art et le reste d'un ignorant qui ne savait pas même la musique… Rameau prétendit ne voir en moi qu'un petit pillard sans talent et sans goût » 1 . Rousseau dut, en réponse, se soumettre à des épreuves (scolaires ?) comme pour vérifier l'état de son savoir : « Que ma musique était trop bonne pour pouvoir être de moi ; qu'en conséquence il a fallu me soumettre à des épreuves dont le succès n'a fait qu'aigrir sa fureur ») 2 .

On peut imaginer la profondeur de la blessure narcissique : Rousseau se voit convoqué à une place d'ignorant, qui plus est malhonnête ; on peut penser que les textes concernant la musique qu'il va ensuite publier en seront influencés et relèveront partiellement, comme il le donne lui-même à entendre, d'un souci de défense et de contre-attaque.

Notes
1.

ROUSSEAU, Jean Jacques, Les confessions, livre septième, 1781, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, Coll. La Pléiade, 1995, p.334.

2.

Lettre à Du Plessis du 14 septembre 1745, citée par POT, Olivier, Introduction, Lettre sur l'opéra Italien et Français, Œuvres complètes de Jean-Jacques Rousseau, Paris, Gallimard, coll. La Pléiade, 1995, tome V, p.LXXIV/LXXXI.