3.2.2. Les items de la musique émancipée.

  1. Le mythe est absent, parfois évoqué, mais sans effet directeur sur la production musicale qui se suffit à elle-même. Alors, la musique peut devenir « abstraite » (avec comme prototype la sonate d'origine italienne). Certes, elle peut aussi rester « concrète » et utiliser des situations particulières, extraites de l'histoire ou de la mythologie, mais c’est avec un autre objectif. En effet, la musique émancipée opère une sorte de renversement du « sujet » par rapport à la musique champêtre ; elle ne permet pas à l'auditeur de s'identifier à un mythe ou à un récit historique ; ceux-ci ne sont plus maintenant que des situations de départ mises au service (ou même seulement prétexte) de la seule expression musicale. On pourrait dire que la musique n'est plus soumise (au mythe arcadien), c'est, à l'inverse, la situation évoquée qui est soumise au texte musical. La musique se suffit à elle-même.
  2. Cette musique fait appel à la raison, aux corpus scientifiques, au Savoir et aux connaissances techniques.
  3. Elle est contrôlée par les règles du métier régissant de l'extérieur la valeur de la production musicale (objectivation).
  4. Elle est complexe, exploite toutes les possibilités de la voix ou des instruments. Elle se doit d'être brillante et s’exprime volontiers dans des mouvements rapides et animés qui mettent en évidence l’habileté de l’interprète.
  5. L'interprète est un professionnel compétent, on apprécie qu'il soit virtuose.
  6. Il faut toutefois éviter la virtuosité gratuite d'une musique qui échapperait au contrôle de la raison et se condamnerait, sous le prétexte d'effets, aux boursouflures et aux bizarreries.
  7. Au cœur de la musique, l'harmonie, la complexe beauté de la polyphonie, le travail de la verticalité.
  8. Sera utilisé le procédé d'imitation dans son sens techniqueVoir chapitre 2, section 2.6.5 : Musique française, musique italienne., qui consiste à reprendre ou à réitérer une phrase musicale déjà énoncée, sous la même forme ou après modification. La musique n’éprouve plus le besoin de s'appuyer nécessairement sur un « objet » extérieur qu'il lui faudrait dépeindre.
  9. Dans ce sous-ensemble prend place Rameau à la pensée polyphonique complexe qui accorde la prédominance à la Raison et à la Nature dont il donne une toute autre définition que Rousseau.
  10. Dans ce sous-ensemble, on trouvera cette musique française majestueuse et loin des préoccupations ordinaires, celle que critique le deuxième Rousseau (d'après sa confrontation traumatique avec Rameau), mais aussi une musique italienne qui serait brillante, froide, sans émotion si l'on suit les critiques formulées par le premier Rousseau.