3.3.4. Musique émancipée et baroquisation

3.3.4.1. Une musique démythifiée.

Libérée de l'Arcadie et de ses connotations, la musique, dite par nous émancipée, crée des textes musicaux savants, pour des interprètes compétents, sans se référer nécessairement à des mélodies simples, sans passage obligé par la ruralité mythifiée.

Nous voudrions défendre l'idée que les techniques de baroquisation sont alors mises au service d'une autre cause que dans le cas de la musique arcadienne. Elles sont présentes comme outils à la disposition du compositeur et de l'interprète, mais on ne leur demande plus de modifier l’essence de la mélodie (son passage du rustique au champêtre) ; on les considère seulement comme des « enrichisseurs » ou des « enjoliveurs », comme une parure mettant en valeur les beautés du texte musical en le faisant chatoyer.

L'ambiguïté entre classique et baroque trouve ici son sens 2 . Le classique c'est la sobriété, la construction rationnelle d'un texte qui répond à un équilibre. Lorsque l'esprit baroque s'en empare, c'est pour lui éviter l'austérité, en lui proposant des atours qui le mettraient au mieux en valeur.

La baroquisation de la musique arcadienne en transformait l'axe, la baroquisation de la musique émancipée en transforme l'enveloppe. Sa fonction est différente, son importance aussi.

Il faudrait affiner l'analyse, en opposant, dans la musique émancipée, les mouvements lents aux mouvements rapides.

La baroquisation des mouvements lents pourrait avoir deux objectifs. Il s'agirait d'abord de renforcer l'émotion, en travaillant la « fabrique » du son et les agréments auraient cette fonction. Mais il s'agirait aussi d'éviter l'ennui, ce qui justifierait l'emploi de techniques « d'excitation » dérivées des diminutions, l'utilisation de certains agréments définis comme l'adjonction de petites notes formant lien à l'intérieur d'une phrase musicale en nourrissant la mélodie.

La baroquisation des mouvements rapides permettrait à l'interprète de montrer sa virtuosité ; elle produirait cette volubilité qui a essentiellement pour objectif de donner à la pièce un surcroît de brillant. Pour ce faire, sont utilisés, là aussi, les procédés dérivés des techniques de diminution (fusées, batteries, doubles et triples).

Notes
2.

On lira sur le sujet les pages qu'écrit Philippe Beaussant dans Vous avez dit baroque, Paris, Actes Sud, 1988.