3.4.1. Le Goût (au sens générique) : pour une réconciliation.

Le terme est utilisé, voire invoqué, comme organisateur de la réconciliation. Au nom du goût cessent les désaccords. Rousseau distingue un Goût particulier à chaque homme, étayé sur la sensibilité. Mais à côté de cette sorte de goût, Rousseau évoque un « goût général sur lequel tous les gens bien organisés s'accordent […] Faites entendre un Concert à des oreilles suffisamment exercées et à des hommes suffisamment instruits, le plus grand nombre s'accordera, pour l'ordinaire, sur le jugement des morceaux et sur l'ordre de préférence qui leur convient » 3 .

Dans notre chapitre deux 4 , nous parlions de goût au sens spécifique pour désigner le système gestionnaire de la musique champêtre, (ce qui correspond au « goût particulier » dont parle Rousseau). Disons maintenant qu’il peut être aussi utilisé dans un sens générique (le « goût général » dont parle Rousseau). Il est alors en « position méta » et se met au service d’une tentative d'unification. Le goût devient un organisateur sémantique susceptible de proposer une intégration des deux formes musicales tout en excluant les extrémismes des deux bords. Le (bon) goût permet de rassembler deux musiques différentes, l'arcadienne et l'émancipée. En leur octroyant à toutes deux cette qualité d'être écrite ou jouée « selon le goût », on est autorisé à les considérer comme deux sous-ensembles contenus dans le même ensemble sémantique, qu'il s'agisse de la composition, de l'interprétation ou même du jugement de l'auditeur.

Notes
3.

ROUSSEAU, Jean Jacques, Dictionnaire de musique, Paris, 1768. Fac simile: Genève, Minkoff, 1998, art. « Goût ».

4.

Voir chapitre 2, section 2.6.2 : Le goût et la musique arcadienne.