Le goût au sens spécifique est, selon l'hypothèse que nous proposions plus haut, le système gestionnaire de la sensibilité ou de la subjectivité. Au sens générique, cette notion recouvre évidemment la même fonction, mais, de plus, le goût domine les règles, il a le dernier mot. « Le goût dirige », et les musiciens ne doivent pas être « esclaves de leurs règles » 1 . Cappus nous explique qu'en cas de difficulté technique « le goût et le mouvement déterminent ces différentes manières » 2 .
Le logicien reconnaîtra dans le goût, tel que nous le présentons, une structure paradoxale. Au niveau 1, le goût (sens spécifique) gère la musique arcadienne et non son opposé, la musique émancipée (gérée par les règles). Mais au niveau 2 (l'ensemble de la musique), le Goût (au sens générique) est réintroduit pour gérer la totalité que constituent ces deux formes musicales ; par-là, le goût gère non seulement ce dont il est déjà gestionnaire mais encore son opposé normalement géré par les règles.
On peut dire du goût qu'il rend compte d'une musique marquée par la subjectivité et l'émotion, par opposition à une musique obéissant à des règles objectives (qui ne sont en tout cas pas déterminées par les mouvements émotionnels du musicien). Telle est du moins la situation au niveau 1. Mais, au niveau 2, en cas de conflit, le goût gère aussi l'autre musique. A la manière d'une autorité dominante, les règles objectives sont soumises à la subjectivité de l'homme de goût, ce qui pourra réconcilier les deux musiques.
TANNEVOT, Claude, Préface ou Discours sur la Vie et les Ouvrages de M. De la Lande, ouvrage cité dans Notes et références pour servir à une histoire de Michel-Richard Delalande, (sous la direction de Norbert Dufourcq), Paris, Picard, 1957.
CAPPPUS, Jean-Baptiste, Etrennes de Musique contenant une méthode courte et facile pour apprendre cet art en très peu de temps, Paris, 1730, p.25. Dans ce texte, il s’agit de savoir comment jouer les triolets.