3.4.4. Une connivence sociale

Au sens générique, le goût est le marqueur d’une connivence entre personnes de qualité se reconnaissant une communauté de culture, qu'elles soient nobles ou de haute bourgeoisie, qu'elles pratiquent la musique comme amateurs ou comme professionnels.

Ainsi se trouvent réunis, parce qu'ils ont un discours commun sur la musique, des gens que la naissance a pourtant séparés et qui pourront se reconnaître mutuellement grâce à ce goût partagé. Si l'on a de la peine à en tracer les contours, alors qu'il est convoqué à toutes occasions, c'est qu'il ne fonctionne pas comme un système scientifique de références, mais comme un appel à la similitude et à l'union entre personnes de qualité.

Si le goût permet d'entrer dans une catégorie sociale d'élite ou de faire la preuve que l'on en fait partie, cela veut dire qu'il sert aussi à exclure de la connivence les personnes d’un faible rang social, ou les extrémistes qui ont un « faux goût », un goût « corrompu » dit-on au XVIIIe siècle. Ces exclus sont ceux qui promeuvent une musique rustique, seulement paysanne ou, à l'inverse, ceux qui sont dans l'excès et produisent une musique « extravagante » et pleine de bizarreries. Ainsi, disions-nous, Bollioud 1 parlera-t-il de « faux goût » pour condamner les « caprices » (« hauteur excessive du ton, vitesse outrée ») mais aussi pour attaquer « la musique bornée », pour se moquer des « chants les plus rustiques ». La remarque de Marcelle Benoit est fondamentale : « Le goût ne réalise pas son antithèse seulement dans la vulgarité, mais aussi dans la richesse inutile » 2 .

Notes
1.

BOLLIOUD de MERMET, De la corruption du goûst dans la musique française, Lyon, 1746. Fac simile : Genève, Minkoff, 1991, p.24, p.34/37.

2.

BENOIT, op. cit. p.84.