4.2.4 Relativiser l'importance de la tradition villageoise

Sans doute ces témoignages divers font-ils preuve, mais force est de constater qu'ils sont moins fréquents qu'on pourrait s'y attendre. Nous rejoignons les analyses de Richard Leppert 2 , dans son travail portant principalement sur l'iconographie de la vielle à roue et de la musette à Versailles, pendant la période baroque. Contrairement aux idées bien établies, il considère que la nature villageoise de l'instrumentest loin d'être aussi marquée qu'on ne le pense généralement. C'est ainsi qu'il peut écrire : « A l'exception de tableaux représentant des musiciens Savoyards, je ne connais quetrès peu de documents suggérant la nature "folk" de la vielle à roue (et même ceux-ci sont contestables) » 3 . Ajoutons qu'à l'époque où elle disposait d’une véritable force de pression sociale, la ménestrandise a certainement pratiqué une « censure » à l'encontre d'un jeu paysan égayant les fêtes villageoises en se maintenant hors toute institutionnalisation ; ces moments de liesse pouvaient être une possible source de revenus pour les ménétriers qui ne devaient pas apprécier la concurrence sauvage.

Nous retiendrons essentiellement qu'à l'orée du baroque tardif, la vielle à roue peut être considérée, ce que la tradition nous rappelle, comme un instrument de musique d'origine villageoise, destiné à faire danser et à égayer les fêtes rustiques.. Mais, les indications concernant cette fonction sociale sont beaucoup moins nombreuses que celles qui témoignent que la vielle à roue remplit une deuxième fonction, puisqu’elle est aussi et surtout, comme nous le verrons au chapitre suivant, un instrument accompagnant la mendicité.

Nous allons voir que c'est explicitement en s'appuyant sur cet enracinement villageois (même s'il était secondaire) que la cour et l'aristocratie donneront à la vielle son nouveau statut.

Notes
2.

LEPPERT, Richard D., Arcadia at Versailles, Amsterdam and Lisse, Swets et Zeitlinger, 1978, p.39.

3.

Except for primarily eighteenth-century pictures of Savoyard musicians, I know of very few visual documents which suggest the “folk nature” of the hurdy-gurdy (and even these are questionable)”.