6.1.1. Vertus médicinales

Comme il est naturel dans cet univers mystérieux et évocateur de magie, on pourrait bien parer l'étrangeté de l'instrument de quelques vertus médicales et psychothérapiques. En 1739, l'abbé Carbasus nous les rappelle en les tournant en dérision :

‘« C'est enfin, selon les Médecins une Antidote céphalique contre les maladies qui consistent dans l’imagination […]. C'est un Mélanhcolifuge et j’ose dire un Fébrifuge, pour l’avoir souvent éprouvé, qui aide à la circulation des humeurs, purifie le sang, dissipe les vapeurs, ouvre les obstructions ; et dilatant les vaisseaux et les pores, la transpiration pour se bien porter, se fait plus facilement » 2 . ’

En 1741, Terrasson 3 cite un texte du XIe siècle, qui parle de la vielle (il pense vielle à roue alors qu’il s’agit probablement d’une vielle à archet) comme d'un instrument « qui excite la joie ». Et Terrasson, qui pare l'instrument de tous les attributs possibles et imaginables susceptibles de servir sa gloire, d'en conclure : « il n'est pas étonnant après cela, que dès la fin du onzième siècle, Constantin l'Africain, ait mis la vielle [à roue] au rang des instruments les plus capables de contribuer au rétablissement de la santé » 4 .

Dans un registre symétrique et opposé, Marianne Bröcker 5 cite une chanson écrite en 1632 dans laquelle des pouvoirs maléfiques sont prêtés à l'instrument :

‘Une jeune damoiselle
Demandoit à un vielleux :
As- tu perdu les deux yeux
En jouant de ta vielle.’

Certes, il ne s'agit que d'un mot d'esprit, mais on sait, depuis Freud, qu'il peut dévoiler l'angoisse en voulant la masquer.

Notes
2.

CARBASUS abbé de, Lettre de Monsieur l'abbé Carbasus à Monsieur D°°° auteur du « Temple du goust » sur la mode des instruments de musique, Paris, 1739, p.36.

3.

TERRASSON, Antoine, Dissertation historique sur la vielle, Où l’on examine l’origine et les progrès de cet instrument, Paris, 1741, p.31/32.

4.

Ibid, p.32.

5.

BROCKER, Marianne, Die Drehleier, 2 vol., Bonn, Bad Godesberg, p.365.