6.1.2. Le protocole expérimental de Pierre Trichet

En 1640, le très sérieux Trichet 1 , décrit un protocole expérimental qui en dit long sur les mystérieux pouvoirs de la vielle à roue :

‘« Pierre Delanère en son livre "l'inconstance des choses" fait mention d'un gentilhomme gascon qui craignait tant le son de la "vihelle" qu'il ne l'oyait jamais sans une extrême envie de pisser. L'essai en fut plaisant car l'ayant mis à table et enserré entre deux gentilshommes apostés pour l'empêcher de sortir, un vihelleur cachévenant à jouer, il fut contraint après avoir longtemps enduré, de découvrir son imperfection… » 2 .’

Après la description de la technique expérimentale utilisée, vient l'interprétation de l'observation :

‘« Je crois que le viehelleur lui faisait tant de compassion que la nature ne trouvant en lui le conduit des yeux ouverts pour verser des larmes, était forcé de l'attirer par un autre passage, comme l'eau ordinaire d'un ruisseau, ayant son canal ordinaire bouché, s'échappe par quelque autre endroit….’

L'interprétation proposée est ensuite discutée à l'aide d'une référence bibliographique consciencieusement citée :

‘"Jules de L'Escale qui a le premier raconté la même histoire, n'attribue point l'effet de cette admirable opération à la pitié, mais à la force de quelque occulte sympathie, ce qui a donné sujet à un poète de faire les vers suivants:
Ne doute point que la Musique
Ne puisse les sens émouvoir
Car il appert que chez Darique
La vihelle a tant de pouvoirs
Qu'elle lui fait venir l'envie
De se purger par la vessie ».

On voit quel mystérieux pouvoir est ainsi démontré. La veille produirait une « occulte sympathie » susceptible de suspendre la continence urinaire. 1

Notes
1.

TRICHET, Pierre, Traité des instruments de musique, 1640. Fac simile : Genève, Minkoff, 1978.

2.

Dans son dictionnaire (article « Musique »), Rousseau fait état d’une pathologie similaire : « témoin ce chevalier Gascon dont parle Boyle, lequel, au son d’une Cornemuse, ne pouvait retenir son urine ». Mais on voit qu’il est question d’une cornemuse, ce qui laisse à penser que le facteur pathogène que partagent vielle et cornemuse devrait être la sonorité des bourdons.

1.

Les « grands-mères » d’autrefois connaissaient bien cette association entre les larmes et l’urine ; « pisser, c’est faire pleurer le colosse », disaient-elles d’une manière fort « phallocratique », à moins qu’elles ne tancent un nourrisson d’avant l’époque des couches jetables en lui déclarant : « pleure et tu pisseras moins ».