CHAPITRE 7 : LES PETITS SAVOYARDS OU LA RECONCILIATION

7.1. Présence savoyarde

7.1.1. Le savoyard enfant

Les petits savoyards, (qui peuvent être piémontais), circulent en Europe et même jusqu'en Russie, depuis fort longtemps (peut-être depuis le XIVe siècle). Bien que généralement appréciés, ils sont parfois mêlés à des scandales. C'est ainsi que Palmer 2 relate qu'en 1749 en Angleterre, on jase sur l'amour violent que le duc de Cumberland éprouve pour une jeune savoyarde vielleuse (pas si enfantine que cela), venue dans ce pays avec son frère pour tenter de gagner de l'argent. Cette aventure donne lieu à des gravures satiriques que Palmer reproduit et qui n'épargnent pas le duc.

Ces déplacements enfantins ont pour raison l'extrême pauvreté qui règne en Savoie. Quand la misère croit, les mouvements migratoires s'intensifient. Les enfants, porteurs d'une vielle, d'une marmotte et parfois d'une lanterne magique, s'en vont chercher dans les grandes villes l'argent qui manque à leur famille. L'époque baroque correspond à un accroissement de la pauvreté en pays savoyard, et le flux migratoire devient important, notamment en direction de Paris.

Pourquoi ces enfants sont-ils dotés d'une vielle ? Hirsch 1 propose une explication : la vielle est d'une intéressante opportunité pour les filles car elle leur permet de jouer un rôle dans la collecte d'argent, sans être obligées de se déguiser en garçon pour pénétrer à l'intérieur des conduits de cheminée.

Un texte de de Jèze (Etat ou tableau de la ville de Paris) 2 datant de 1760 montre bien dans quel esprit est considérée, à Paris, cette présence des petits Savoyards :

‘« Le titre de Savoyard est devenu dans Paris un nom générique que l'on donne à des jeunes enfants que la misère arrache de leurs patries ou tire du sein de leur famille, pour venir dans cette grande ville, chercher à vivre : ils y sont répandus dans les différents quartiers et dans les différentes rues, où ils rendent aux citoyens des services journaliers, et procurent à peu de frais des facilités d'un usage très commode et très fréquent ».’

Il n'est donc pas nécessaire d'être savoyard pour en porter le titre. Le terme devient un stéréotype recouvrant un certain mode d'existence et les valeurs qui lui sont attribuées.

Notes
2.

PALMER, Suzann, The hurdy-gurdy, Londres, New-Abbot, 1980, p.164/165.

1.

HIRSCH, Jean-François, « Fanchon et les petits vielleux », Alpes magazine, octobre 1992, n°17, p.40/49.

2.

Cité par LEPPERT, Richard D., Arcadia at Versailles, Amsterdam and Lisse, Swets et Zeitlinger, 1978, p.96.