9.3.2. La vielle eut d'abord une clientèle d'aristocrates débutants.

De plus, dans le temps qui précède la période baroque, la vielle n'est pas fréquentable par l'aristocratie, aucune personne de qualité ne l'apprend ni ne la pratique. Lorsque l'instrument vient brutalement à la mode, des adultes vont en jouer, alors qu'enfants ils ne l'avaient jamais appris, comme cela aurait pu être le cas pour d'autres instruments plus habituels, ayant déjà pignon sur rue. La première génération des compositeurs et des maîtres de vielle ne rencontre que des débutants, ce dont il lui faut tenir compte.

Notons que, s'opposant à cette conception de la vielle à roue qui en ferait un instrument élémentaire, certains vont recommander une pratique du clavecin avant l’apprentissage de la vielle : « Nous accordons qu'il y a beaucoup de prudence aux personnes qui se destinent à la vielle, d'apprendre auparavant cinq ou six années à toucher le clavecin », précise Carbasus pour se moquer 1 .

Mais, à l'inverse, d'autres protagonistes retiendront qu'elle est un instrument qui ne tient sa célébrité que de sa facilité ; elle serait, par essence, un instrument de débutant, qui conviendrait seulement à une musique sommaire. C'est le point de vue défendu par Leppert 2 . Carbasus déclare quant à lui : « Leur facilité les a rendus communs sans leur donner plus de mérite » 1 . Dans cette perspective, on pourrait dire de la vielle ce que Furetière écrivait de la musette : peut-être cet instrument n'est il « pas assez sérieux pour les grands airs » 2 .

Selon Robert Green 3 , la place occupée dans l'aristocratie par la musique est fondée sur La République de Platon. La musique doit être simple et spontanée, elle exprime des sentiments et demande peu de compétence technique. Il faut attendre le début du XVIIIe siècle pour que les nobles se mettent à l'étude d'instruments difficiles. De ce seul point de vue, la pratique de la vielle à roue peut être considérée comme un retour à une tradition ancienne. De ce seul point de vue aussi, les positions de Rousseau que nous allons brièvement rappeler renouent avec l'idée Platonicienne.

Notes
1.

CARBASUS, Lettre de Monsieur l'abbé Carbasus à Monsieur D°°° auteur du « Temple du goust » sur la mode des instruments de musique, Paris, 1739, p. 21.

2.

LEPPERT, Richard D., Arcadia at Versailles, Amsterdam and Lisse, Swets et Zeitlinger, 1978.

1.

CARBASUS, op. cit. p. 11.

2.

FURETIÈRE Antoine, Dictionnaire universel, 1690, art. « musette ».

3.

GREEN, Robert A., The hurdy-gurdy in eighteenth century France, Indianapolis, Publications of the Early Music Institute, 1995.