11.1.4. L'apport de l'iconographie

On pourra aussi se reporter à notre annexe A consacrée à l'iconographie de la vielle baroque. Nous y montrons, à partir d'un échantillon de quarante neuf sujets, que seules les trois formes de vielle dont nous venons de parler (en trapèze, en guitare et en luth) sont présentes au XVIIIe siècle en milieu aristocratique. Leur fréquence d'apparition dans les tableaux et gravures est à peu près identique, un tiers pour chaque modèle. Plus précisément, sur quarante neuf instruments, on trouve quinze vielles trapézoïdales, seize vielles en guitare et dix huit vielles en luth.

Toutefois, ce travail sur l'iconographie met aussi en évidence un décalage dans le temps confirmant ce que nous disons dans ce chapitre. La vielle de forme trapézoïdale est d'une première génération, on la rencontre en début du XVIIIe siècle, comme étant encore, pour ainsi dire, le modèle aristocratique unique. Elle laisse ensuite la place à la vielle de deuxième génération, celle que l'on appelle communément vielle baroque et qui emprunte soit la forme d'une guitare, soit la forme d'un luth. La date moyenne d'apparition de la vielle en guitare est 1745 celle de la vielle en luth est 1753.L'analyse statistique (test statistique de Kruskall-Wallis) indique clairement l'antériorité de la vielle trapézoïdale sur les deux autres modèles ; le test est significatif pour un seuil de probabilité de P. 0001, ce qui veut dire que l'on peut affirmer l'antériorité avec seulement une chance sur10000 de se tromper.

En revanche, le léger décalage dans le temps que montre notre échantillon en ce qui concerne les deux formes de vielle baroque (année moyenne d'apparition 1745 pour les vielles en guitare, 1753 pour les vielles en luth) n'est pas statistiquement significatif. On ne peut donc que de façon très réservée émettre l'hypothèse que ce décalage de huit ans conforterait le témoignage de Terrasson, qui pense que les premières vielles en forme de luth sont apparues en 1720, quatre ans après les vielles en forme de guitare dont Bâton aurait commencé la fabrication en 1716. Si l'on ne considérait que ces deux dates, il faudrait dire que les peintres ne se sont intéressés aux nouvelles formes de l'instrument qu'après un temps de latence relativement important, correspondant sans doute à la montée en puissance de la vielle dans les milieux aristocratiques.