11.2.2. Les gains en productivité instrumentale : la petite lutherie

11.2.2.1. L'ambitus.

Pour les compositeurs et interprètes baroques, l'étendue du clavier de la vielle doit permettre de jouer le même type de mélodies que les autres dessus. On assistera alors à de nombreuses tentatives pour augmenter l'ambitus de l'instrument.

La vielle, au XVIIe siècle, est un instrument déjà fréquemment chromatique et susceptible de jouer, sur une étendue d'une octave et demie, 12 notes allant du sol3au5. Très tôt au XVIIIe siècle, Henri Bâton lui adjoint un mi5 et un fa5 1 . Le célèbre luthier de vielle Pierre Louvet ira jusqu'au sol5 2 . Dans la méthode éditée par Ballard en 1732, il est fait mention de « quatre tons d'augmentation dans le bas » qui permettent de descendre jusqu'au do3 3 . En1755, Bordet 4 propose un schéma de l'étendue de la vielle qu'il divise en une « étendue naturelle et usitée » qui va du sol3 au sol5 et une « étendue extraordinaire et peu usitée » qui permet à l'instrument de monter encore plus haut(la5, si5, do5).

Au chapitre des modifications proposées, rappelons que Charles Bâton, fils du luthier Henri et virtuose de la vielle, propose un nouvel instrument. Celui-ci fera la somme de toutes les propositions déjà mentionnées. Le clavier est doté de touches supplémentaires permettant « trois octaves d'étendue moins un ton ». Trois touches sont ajoutées en bas du clavier (ré3, mi3, fa3,)et en haut la vielle atteint « l'ut de la troisième octave »). Charles Bâton commente ces innovations : « Les tons d'en bas sont pleins et sonores ; ceux du milieu participent de cet avantage et de celui des tons d'en haut qui sont fins et flûtés » 5 .

Signalons que les vielles baroques conservées à ce jour sont presque exclusivement dotées d'un ambitus de deux octaves pleines allant du sol3au sol5. Dans la majorité des cas le fa5et le fa dièse5sont obtenus par la même touche, ce qui oblige, en réglant le sautereau correspondant, à ne jouer, en cours de mélodie, que l'un ou que l'autre de ces fa.

Notes
1.

Voir TERRASSON, Antoine, Dissertation historique sur la vielle. Où l'on examine l'origine et les progrès de cet instrument, Paris,1741, p.97.

2.

Ibid, p.103.

3.

BALLARD, Jean Baptiste, (éd.), Pièces choisies pour la vielle à l'usage des commençants, Paris, Ballard, 1732, p.11.

4.

BORDET, Méthode raisonnée. pour apprendre la musique d'une façon plus claire et plus précise à laquelle on joint l'étendue de la Flûte traversière, du Violon, du pardessus de Viole, de la Vielle et de la Musette, .Paris, 1755, p.19.

5.

BATON, Charles, « Mémoire pour la vielle en d/la/ré, dans lequel on rend compte des raisons qui ont engagé à la faire », Mercure de France, octobre 1752, p.151/152.