12.2.3.2. Les airs tendres

‘« Dans les airs tendres ou musettes, il n'y a point de coup de poignet déterminé. On peut tourner la roue plus ou moins vite selon le caractère des airs» (p. 17).’ ‘« Quoique j'ai dit ci-dessus qu'il ne fallait pas marquer les notes avec le poignet dans les airs tendres ou musettes, l'on peut cependant de temps en temps marquer avec le poignet les rondes, blanches et noires… Cela dépend du caractère de la pièce et du Joueur » (p. 17).’

Les coups de poignet « normaux » font l'essentiel des règles qui s'appliquent aux airs vifs. Jouer airs tendres et musettes « selon le goût » pourrait être, d'après Boüin, les jouer sans coup de poignet ou avec un coup de poignet « de fantaisie ». Il faut faire varier, au gré de la sensibilité, le mouvement de rotation de la roue ce qui correspond aux enflements : « Quand on veut enfler [souligné par nous] un son, on commence par tourner rondement et doucement la roue, puis on la tourne insensiblement de plus en plus fort et l'on finit en tournant doucement la roue ».

Boüin s'intéresse aussi à une autre caractéristique très présente dans les compositions baroques à savoir le jeu Louré qu'il définit comme servant « à lier les notes croches ou doubles-croches de deux en deux dans les mesures. » (p. 3). Avec le jeu louré, nous sommes explicitement dans le registre de la tendresse. En effet, selon Demoz de La Salle 1 « lourer c'est exprimer les notes qui sont liées de deux en deux en les coulant, caressant et roulant [souligné par nous] de telle sorte que les sons soient continus, liés et conjoints comme ceux des airs du jeu des instruments appelés musettes, cornemuses, vielles, en marquant insensiblement la première note de deux en deux ». Selon Azais 2 « lourer c'est nourrir les sons avec douceur [souligné par nous] ». C'est bien à ce registre de la tendresse que Boüin se réfère explicitement pour ce qui est de la vielle : « Lourer sert à lier les notes, croches ou doubles-croches, de deux en deux dans les mesures, de les faire couler et rouler d'une manière pathétique et touchante [souligné par nous] ». Ainsi s'exprime le goût quand il est porté par des modifications dans la rapidité de rotation de la roue entraînant des variations contrôlées de la puissance sonore.

Notes
1.

DEMOZ de LA SALLE, Méthode de musique selon un nouveau système, très court, très facile et très sûr, Paris, 1728.

2.

AZAIS, Méthode de musique, sur un nouveau Plan ; A l'usage des Elèves de l'Ecole Royale Militaire Paris, Bignon, 1776, p.167.