On trouvera, encore actuellement en Afrique, des « harpes » dont la sonorité est volontairement salie. On les appelle sanza. Sur une caisse de résonance en bois sont fixées de fines plaques métalliques qui sonnent selon une gamme pentatonique. Des graines séchées ou des cailloux sont introduits dans la caisse, qui s'entrechoquent bruyamment quand on remue l'instrument en le jouant. De plus, des anneaux métalliques sont enfilés autour des plaquettes que l'on met en vibration, ce qui provoque en supplément un grésillement continu tant que la lame bat. La sanza n'émet pas de sons purs, mais des sons composites, salis (ou enrichis) par des bruits surajoutés. C'est à cette condition qu’il devient possible, selon la tradition en vigueur dans certains pays africains, d'entrer en contact avec le surnaturel et de communiquer avec les esprits 1 . Du reste Dieu, dit-on là-bas, créa l'homme avec une sanza et toutes les fois qu'on en joue, quelque part sur terre on fait naître un enfant 2 .
La Bambicans harpa (harpe qui bourdonne) est un instrument médiéval dont on pourrait peut-être penser qu'elle était montée avec des cordes en laiton, qui produisaient un grésillement. Cette situation serait restée tout à fait stable, puisqu'il faut attendre le début du XIXe siècle, en Irlande, pour que des cordes en boyau remplacent celles en laiton. Au son sali se substitue alors un son purifié assez proche de celui que produit le piano-forte. Mais on peut penser que le statut social de la harpe a alors changé ; elle est devenue un instrument urbain utilisé par la bourgeoisie 3 .
De son côté, Catherine Homo-Lechner décrit, l'existence, sur la harpe, du système vibreur que l'on peut voir sur le tableau Le jardin des délices de Jérôme Bosch et qui serait donc présent au XVe siècle. « La technique du peintre est telle que l'on observe aisément au bas de chaque corde de la harpe de petites béquilles blanches en L plantées sur la caisse, nommées harpions, et dont la vocation est de faire friser la corde en vue de produire un nasardement qui augmente de façon appréciable le volume sonore de l'instrument » 4 .
Communication orale de, BEBEY, 1985.
Voir FUSTIER, Paul, « Vielle à roue et célébration baroque », L'effet trompe-l'œil dans l'art et la psychanalyse, (sous la direction de R. Kaës), Paris, Dunod, 1988, p.147/164.
LE VOT, Gérard, communication orale.
HOMO-LECHNER, Catherine, op. cit, p.72.