14.1.2. Avant la trompette.

Préalablement à l’introduction de la trompette, la vielle était considérée comme un instrument à bas son 1 (un bas instrument peu sonore), ayant partiellement gardé la fonction religieuse qui était dévolue à son ancêtre l'organistrum, et étant aussi utilisée pour marquer ou renforcer l'intimité d'un moment, par exemple dans une ambiance amoureuse.

Les ouvrages de Suzann Palmer 2 et de Marianne Bröcker 3 proposent toute une série de documents iconographiques portant sur le Moyen Age, allant jusqu'au XIVe et même jusqu'au XVe siècle, dans lesquels la chifonie (instrument à roue rectangulaire) et la vielle (de forme arrondie) sont jouées par des angelots ou par de saints personnages, ce qui donne à entendre que le son en est doux et pur afin qu'il puisse plaire à Dieu. Marianne Bröcker présente d'autres iconographies caractéristiques d'une ambiance intime, amoureuse ou de séduction.

Nombreux sont les textes écrits qui témoignent que l'instrument est à son bas. Marianne Bröcker en propose un florilège 1 dont voici quelques extraits concernant la chifonie appelée aussi symphonie (le terme de vielle étant peu discriminant puisqu'il désigne le plus souvent la vielle à archet) :

‘« Iço sont li doze instruments
Tant par les sons doucement
Gigen, harpien, sinphonien »………(Le Roman de Troies) ’ ‘« Tympana, psaltérion, citharae, symphonia dulcis »..........(Nicolaus de Braia) ’ ‘« La douceur de la symphonie »..... (Guillaume de Machaut)’ ‘« Cet instrument moult doux son et plaisant ».......(V. Gay)’ ‘« Sambuce et saltérii et simphonie dulcisone »......(Heinrich Suso)’ ‘« Cors et musettes symphonies doulcettes »..........(Jean Molinet).’

Vielle et chifonie sont retenues dans l'énumération que Luc Charles-Dominique fait des instruments à bas son 2 . Il cite, lui aussi, à l'appui de sa thèse, certains textes comme ce poème anonyme du XIVe siècle dans lequel on peut lire :

‘« Qui sonnoient moult doucement
Chyffonies et monocordes ».’

Et, de son côté, Terrasson 3 professe : « Du temps de Saint Louis, la vielle servait à accompagner les airs les plus tendres ».

Notes
1.

Un instrument à haut son est un instrument qui sonne puissamment (et non pas un instrument de dessus), un instrument à bas son est un instrument qui sonne de façon confidentielle) (et non pas un instrument jouant les parties basses).

2.

PALMER Suzann, The hurdy-gurdy, Londres, New Abbot, 1980, voir p.73, 76, 80, 86, 87, 88, 91, 92, 93, 94.

3.

BRÖCKER, Marianne, Die Drehleier, 2 vol., Bonn, Bad Godesberg, 1977, p.560/689.

1.

BRÖCKER, Marianne, op. cit. p.349/350.

2.

CHARLES-DOMINIQUE, Luc, Les ménétriers français sous l'ancien régime, Paris, Klincksieck, 1994, p.100/102.

3.

TERRASSON, Antoine, Dissertation historique sur la vielle. Où l'on examine l'origine et les progrès de cet instrument, Paris, 1741, p.52.