15.2.3. Une évolution dans la notation des agréments

Rappelons que l’évolution dans la notation des agréments au cours de la période baroque montre un appauvrissement considérable, le signe (+) tendant à se substituer à la spécificité de signes désignant chacun un agrément différent. Cette évolution est vraie pour tous les instruments, y compris la vielle 1 .

La méthode de Corrette, publiée tardivement, en 1783 alors que la vielle n'est plus très à la mode, peut être considérée à la fois comme sommaire dans son contenu et pauvre en ce qui concerne la notation des agréments, désignés seulement par un ( t ). La méthode la plus ancienne, éditée par Ballard en 1732, est, elle aussi, rapide dans son contenu et essentiellement en ce qui concerne les agréments. Ce n'est pas étonnant puisque à l'époque la mode de la vielle commence seulement à s'épanouir et que l'auteur, par nécessité, a dû s'intéresser particulièrement aux instrumentistes débutants découvrant l'instrument.

En revanche, les deux grandes méthodes pour vielle, beaucoup plus complètes et qui font une place importante aux agréments, se situent pendant la période glorieuse de l'instrument. Dupuits écrit en 1741 et Boüin en 1761.

A l’inverse, on peut penser que cet appauvrissement concerne seulement la notation des agréments et non l’agrémentation elle-même. Comme l’envisage Maillard 1 , l’interprète se retrouve libre dans le choix de ces agréments, il peut agrémenter selon sa compétence, qu’elle soit faible ou affirmée. Quelles qu’en soient les raisons, valables pour l'ensemble des instruments de musique, cette « régression » appliquée à la vielle sert bien son statut ambigu. Il reste possible de la « toucher » en prenant à la lettre les indications sommaires d'agrément et en exécutant toujours un tremblement simple quand le signe (+), ou chez Corrette le signe (t), apparaît, ce qui conviendrait à un instrumentiste médiocre ou débutant. Mais il est aussi possible d’utiliser l’indication « passe-partout » comme ayant seulement valeur d’indice et de développer alors des agréments complexes et multiples, montrant que l'interprète est à l'aise dans ces techniques de baroquisation. Selon l’expression que nous utiliserons ultérieurement, la partition est alors « malléable », pouvant donner lieu à des exécutions fort différentes.

Notes
1.

Nous avons analysé cette évolution dans notre chapitre 3, section 3.3.1.3. : Prescription ou incitation.

1.

MAILLARD, Jean-Christophe, L'esprit pastoral et populaire dans la musique française baroque pour instruments à vent, 1660-1760, Thèse de doctorat de troisième cycle, Université Paris IV, 1987, p.104.