A la vielle, le jeu de la main gauche est consacré au toucher du clavier que nous avons étudié sous l'angle du doigtage comme sous l'angle de la formulation des agréments.
La vielle ne revendique pas alors de spécificité, au moins si l’on considère l’absence d’informations de l’époque en ce qui concerne une éventuelle utilisation du jeu de la trompette pour rendre les agréments 2 . Elle s'empare de deux modèles d'identification, le clavecin et le violon, dont elle prétend pouvoir acquérir les qualités dans une position de rivalité. Les facteurs de vielle auront à rendre la chose « anatomiquement » possible ; les Maîtres de vielle auront à montrer comment l'instrumentiste doit s'y prendre pour y parvenir. L'entrée dans l'univers aristocratique suppose que ce défi soit relevé, alors la vielle ainsi adoubée entrerait au panthéon des instruments baroques.
La vielle « envie » au clavecin sa netteté, son brillant, sa précision dans les attaques, elle va donc prétendre y accéder grâce à une attention particulière portée au doigté. Elle jouera alors les danses rapides de la musique champêtre, mais elle pourrait alors s'ouvrir aussi à un répertoire de mouvements rapides issus du genre concerto ou du genre sonate. Le travail sur le « doigtage » permettra d’éviter la monotonie répétitive et de phraser les mélodies, tout en introduisant une dimension de virtuosité.
La vielle voudra s'approprier aussi la finesse d'exécution propre au violon et son jeu délicat. Pour y parvenir, elle mettra alors au travail la question des agréments (en lien avec l'enflement du son, que nous avons précédemment étudié). Elle sera alors capable de « gentillesses » comme le violon, et pourra prétendre être devenue un instrument à la fois noble et sensible.
Baroquiser la musique populaire et campagnarde, c'est à dire passer du rustique au champêtre ou s'approprier éventuellement un nouveau répertoire dégagé du mythe arcadien, jouer « sensible » mais aussi jouer « virtuose », proposer des interprétations « tendres » mais aussi des interprétations « brillantes », tout cela demande au joueur de vielle un important travail d'appropriation. Le jeu du clavier, c'est à dire le jeu de la main gauche, doit être considéré comme un élément central de cette démarche.
En regard et en opposition, il existe, pour le contemporain, une autre tradition plus récente, enracinée dans la musique populaire du XIXe et du XXe siècle, qui accentue l'aspect « percussif » de la vielle en développant une virtuosité du jeu de la main droite.
Marcello BONO, (dans son livre, La ghironda, storia, repertorio, tecnica esecutiva e costruzione, Bologne, Arnaldo Forni editore, 1998) donne des exemples intéressants d’une utilisation possible du jeu de la trompette (p.93/104).