La mutation baroque vise à faire de la vielle un instrument de musique intéressant pour les personnes de qualité dans la mesure où elle se montrerait capable de jouer « selon le goût » des airs tendres comme des airs rapides, de la musique française comme de la musique italienne. Elle opère à partir d'un double mouvement. Il s'agit d'abord de décontaminer l'instrument, de le détacher de son passé ignominieux d'instrument mendiant, d'outil utilisé pour demander l'aumône. Il s'agit ensuite de lui fournir ses quartiers de noblesse en lui donnant des attributs aristocratiques et en lui trouvant une place honorable dans la famille des instruments prestigieux que pratiquent ou écoutent les personnes de qualité, comme le violon ou le clavecin qui lui serviront de références.
La lutherie de l’instrument, confiée à des professionnels s’en trouvera transformée. Le corps de la vielle, empruntant les formes de la guitare ou du luth, sera doté d’une table en acajou. L’ambitus de l’instrument sera augmenté, un capodastre et des cordes sympathiques seront ajoutées.
Une grande importance sera accordée au maniement de la roue qui devra permettre la réalisation d’enflements comme l’exécution d’une articulation détachée, ainsi qu’un phrasé, distinguant les éléments du discours musical, ce que ne réalise pas la « musique routinière ». Des indications concernant le doigté permettront un jeu rapide et l’exécution des agréments. La mise en action du chevalet mobile deviendra un système d’articulation des notes. Les bourdons seront compris comme une basse continue sommaire et obstinée.
Techniquement sera alors élaboré par les maîtres de vielle un système précis de règles gérant l'exécution d'airs vifs et rapides en opposition à un jeu « selon le goût » permettant l'interprétation des airs lents ou tendres. Mais le goût restera l'ultime référence à laquelle les règles devront finalement se soumettre. 1
Voir chapitre 12. : Le goût, la règle et la roue.