18.2.3. L'ouvrage de Robert Green

Robert Green 1 recense en 1995, la totalité des œuvres qui portent dans le titre inscrit par l'auteur la mention « vielle », désignant cet instrument soit comme le destinataire principal ou unique de l'œuvre soit seulement comme un de ses exécutants possibles parmi d'autres instruments. Il met ainsi en évidence une cohorte de 212 recueils publiés 2 . Afin de travailler sur un corpus suffisamment homogène, nous ne prendrons pas en compte les œuvres manuscrites, les méthodes pour vielle, les recueils ayant une page de titre qui ne mentionne pas explicitement la vielle, les œuvres vocales (cantates, cantatilles, opéras) auxquelles la vielle participe. Nous excluons ainsi 24 « sujets ». Nous excluons aussi 16 autres publications parce que non datées ainsi que la seule publication de 1710, très atypique quant à la date, puisque celle qui lui succède par ordre chronologique apparaît seulement en 1724. La dernière publication retenue par Green date, quant à elle, de 1765. Nos calculs porteront donc sur une cohorte de 171 recueils, dont la date de publication est connue précisément ou selon une approximation de quelques années 3 .

La distribution chronologique des 171 recueils concernés est caractérisée par une moyenne de 1739,56, correspondant donc à la moitié de l'année 1739. L'année pendant laquelle les publications ont été les plus nombreuses (le mode) est 1741 (19 publications). Le médian, année de parution du 85,5 e recueil, (en pourcentage, le cinquantième) est de 1740. Ces trois chiffres significatifs sont voisins et indiquent nettement que l'intérêt pour la vielle a plafonné entre 1739 et 1741.

Nous avons regroupé les 171 titres retenus en 6 sous-ensembles recouvrant chacun une période de 10 ans. On peut voir très clairement dans le tableau 2, comme dans le graphique 2, que l'intérêt pour la vielle demeure puissant pendant une brève période allant de 1726 à 1765.

Tableau 2
Années Nombre de publications
de 1716 à 1725 1
de 1726 à 1735 52
de 1736 à 1745 78
de 1746 à 1755 34
de 1756 à 1765 6
Total 171

Nous avons aussi tenté de proposer une représentation visuelle plus fine des valeurs statistiques afin de savoir si l'allure apparemment Gaussienne de la distribution ne masquait pas l'existence de deux répertoires de nature différente se succédant dans le temps.

Graphique 2
Graphique 2

Le tableau 3 ci-joint et le graphique 3 ci-après procèdent d'un regroupement par sous-ensembles de quatre ans, concernant la période allant de1723 à 1766.

On notera que, la vielle s'installe rapidement (entre 1727 et 1731) dans le paysage musical baroque. Mais, en revanche, après une période faste (entre 1731 et 1743), on constate que son déclin est beaucoup plus lent, il s'étale sur une durée qui dépasse les vingt ans, allant de 1743 à 1765. La courbe qu'une analyse moins fine donnait pour Gaussienne s'avérerait plutôt une courbe « en i » 1 .

D'autre part, si les fréquences d'apparition baissent significativement à partir de 1743, une reprise manifeste est perceptible entre 1747 et 1750 (voir graphique 3). On pourrait se demander si un deuxième répertoire n'essaye pas alors de se substituer à un premier répertoire, le deuxième étant plus italien, plus abstrait, plus complexe ou savant, moins champêtre ; un répertoire émancipé voudrait prendre la place du répertoire arcadien que vielle et musette étaient précédemment chargées de mettre en valeur. Dans cette perspective, on pourrait penser que, dans les années 1747/1750, on publie encore beaucoup de pièces d'un répertoire arcadien, mais aussi, en nombre maintenant significatif, des pièces d'un répertoire émancipé. Une étude détaillée devrait permettre de confirmer ou d'infirmer cette hypothèse.

Tableau 3
Tableau 3
Graphique 3
Graphique 3
Notes
1.

GREEN, op. cit. p.72/98

2.

Nous ne prenons pas en compte les œuvres de Hotteterre répertoriées par Green, car elles sont à l’origine écrites exclusivement pour la musette, même si ultérieurement elles ont été adoptées par les joueurs de vielle.

3.

Nous retenons alors comme année significative, l'année centrale de la période indiquée par Green.

1.

Courbe qui atteint rapidement son apogée pour redescendre plus lentement.