Cette pièce, dont nous ne transcrivons que la première partie, suppose un interprète de bon niveau. Elle commence par de longues séries de croches descendantes dont l'ambitus couvre tout le haut du clavier, y compris les notes difficiles à faire sonner avec justesse et cela, jusqu'à l'ultime sol. Elle doit être jouée rapidement, ce qui suppose que le joueur de vielle dispose d'une bonne « volubilité » de la main gauche.
Les techniques de baroquisation employées sont de trois sortes :
- Les agréments notés (+)
- L'utilisation importante des batteries qui relèvent de la musique savante.
-L'opposition répétitive de notes éloignées les unes des autres, ce que l’on ne retrouve pas dans la musique populaire.
- L'existence d'une importante modulation en Sol, avec dominante Ré (troisième ligne).
Mis à part les agréments transcrits par une croix (que l'on retrouve dans tous les types de musique), les procédés utilisés ici par Boüin relèvent clairement d'une musique savante, sans référence au champêtre.
Cette pièce est donnée pour vielle seule, alors qu'elle utilise des procédés de construction qui sous-entendent l'existence d'une deuxième voix ; ainsi, dans la première ligne (mesures 7 à 12), la succession descendante du système « blanche liée avec une noire suivie de 2 croches descendantes » laisse supposer le travail en imitation d'une deuxième voix avec accentuations des dissonances et résolutions. Le même procédé est utilisé à la fin de la deuxième ligne.
Nous remarquions plus haut que la personnalité professionnelle de Boüin comportait deux facettes. D'une part ce pédagogue prend en charge des élèves absolument débutants en musique pour leur donner des bases en solfège comme en technique instrumentale, leur prodiguant alors quelques conseils élémentaires. D'autre part, il écrit une méthode dont certaines parties sont d'un haut niveau technique, alors même que certaines de ses considérations sont empruntées à Dupuits.
On retrouve cette même opposition dans le répertoire qu'il propose. Celui-ci est constitué d'un choix de pièces de difficulté variable dont certaines pourraient être jouées par un débutant, alors que d'autres supposent un interprète confirmé. Contrairement à Dupuits, Boüin ne semble pas vouloir à tout prix démontrer que la vielle est un instrument qui nécessite virtuosité, il s'adresse à toutes les compétences.
Par ailleurs certaines pièces vont être de style champêtre à connotation arcadienne, la Musette et le Gracieusement que nous citons en sont un exemple. D'autres, comme le Menuet et La Jasseau seront clairement émancipées et feront appel à une bonne virtuosité technique. On peut aussi remarquer que les pièces marquées « de l'auteur » et qui sont donc écrites par Boüin sont parmi les plus sophistiquées et les plus difficiles. Elles appartiennent clairement au registre de la musique savante, émancipée du champêtre. Peut-être cela montre-t-il que c'est à ce type de musique que vont les préférences de Boüin.
En revanche, il apparaîtrait que Boüin est peu intéressé par ce que le goût italien pourrait avoir de spécifique.
Page 40 de la méthode de Boüin