19.5.2. Le répertoire joint

Pour la première fois dans une méthode écrite exclusivement pour vielle la musique est écrite en clé de Sol deuxième ligne.

L'analyse quantitative des titres des 114 pièces proposées par Corrette donne les résultats suivants. Au premier plan 35 menuets (31%), puis 30 vaudevilles (26%), viennent ensuite chansonnettes, brunettes, airs tendres, musettes et pastorales qui apparaissent 23 fois (22%). Les autres chiffres sont négligeables. Le répertoire dont il s'agit est généralement facile à jouer.

Méthode de :
Ballard Corrette
Classement Pourcentage Classement Pourcentage
Menuets 1 36% 1 31%
Vaudevilles 2 24% 2 26%
Chansonnettes Brunettes musettes … 3 13% 3 22%

Si l'on consulte le tableau ci-dessus qui compare, en pourcentage, la fréquence d'apparition des principaux genres présents dans la méthode éditée par Ballard (1732) comme dans celle écrite par Corrette (1783), on constate une très grande proximité dans le classement par ordre quantitatif et dans la fréquence d'apparition.

On pourrait alors formuler l'hypothèse d'un « retour » ou d’une régression. Le répertoire de Ballard, proposé à une époque où la vielle est seulement en train de s'imposer, est peu original, composé essentiellement d'airs simples, faciles à mémoriser, connus du grand public. Corrette publie, à l'inverse, à une période où la vielle est passée de mode dans le monde de l'aristocratie. On ne remarque plus, en 1783, de tentative pour donner à l'instrument un répertoire champêtre élaboré qui lui convienne spécifiquement ou, au contraire, pour lui donner accès à un répertoire complexe de musique émancipée, qu'elle partagerait, à égalité de statut, avec les autres instruments baroques.

Corrette a donc recours, comme Ballard, cinquante ans auparavant, à des pièces connues et faciles à jouer. Cela correspond à la naissance d'un nouveau public pour la vielle. Celle-ci n'est plus instrument aristocratique, elle est devenue ou redevenue un instrument populaire, entre les mains de la bourgeoisie. Corrette a, du reste, toujours connu et fréquenté des milieux modestes, quand il composait, avec les Concertos comiques, une musique très présente dans les différentes Foires ; on dit, du reste, qu’il n’hésitait pas à faire chanter ses œuvres par sa servante…

Il est vrai que cette analyse quantitative ne prend pas en compte quelques pièces d'exception que l'on trouve sous la plume de Corrette et sur lesquelles nous allons revenir.