19.8. Conclusion

A l'envisager sous l'angle chronologique, le répertoire attaché aux méthodes pour vielle permet d'illustrer le fait que la musique pour cet instrument provient d'un univers rustique dont elle est encore très proche en 1732 (date de parution de la méthode Ballard) et qu’elle fera retour au populaire à la fin de la période baroque (la méthode de Corrette daterait de 1783).

Entre ces deux moments s'effectue, dans deux directions, le travail de la baroquisation. Majoritairement, la baroquisation transforme le rustique en champêtre. Cependant, un autre style, illustré par des pièces apparentées au répertoire émancipé, est aussi présent, bien que celles-ci soient moins nombreuses. Telle serait du moins la tendance présente dans la méthode de Boüin (1761) et dans la méthode anonyme (RS1177).

Par ailleurs ces deux mêmes méthodes proposent des pièces de difficulté très variable, les unes convenant à des débutants, les autres à des joueurs confirmés. En revanche, Ballard reste « encore » (en 1732) fidèle à des pièces très simples, alors que Corrette propose « déjà » (en 1783) un répertoire faisant surtout de la vielle un instrument populaire, mais en y adjoignant toutefois certaines pièces supposant au contraire que l'interprète soit d'un excellent niveau.

Dupuits, par ailleurs Maître de clavecin, s’intéresse, quant à lui, essentiellement à des élèves d’un bon niveau musical. Il propose, dans sa méthode, des pièces de musique difficiles, très sophistiquées, se réclamant des deux goûts français et italien. Son ouvrage est chronologiquement le deuxième publié (1741), après la méthode éditée par Ballard. Il concrétise un retournement social dans la prise en considération de la vielle : l’instrument est envisagé essentiellement de façon « savante », et Dupuits ne manifeste aucun intérêt pour son origine populaire.

Notons aussi que la méthode de Bordet écrite en 1755 pour cinq instruments montrerait qu'il n'y a pas lieu, au moins quand on s'adresse à des débutants, de différencier des répertoires selon les instruments considérés.

On pourrait faire une remarque assez proche en comparant les deux répertoires retenus par Corrette pour illustrer ses deux méthodes, l'une pour flûte traversière, l'autre pour vielle. Mais il faut alors introduire deux nuances. D'une part, il semble que Corrette ait pu avoir de la musique pour flûte une représentation plus « militaire » et de la musique pour vielle une représentation plus douce. D'autre part, si l'on choisit comme critère la présence ou l'absencede variations accompagnant la mélodie, on voit que Corrette les réserve à la vielle, indiquant par là qu’il reconnaît que l'instrument peut aussi jouer de la musique savante, qu'elle n'est donc pas seulement vouée au populaire.