20.1.3. La vielle pesante.

Selon sa réputation, la vielle serait, à l’orée de l’époque baroque, un instrument très monotone, produisant des sons étirés, peu variés, sans scansion ni impulsion rythmique 2 ., avec une utilisation fréquente de notes répétées. Les adversaires de la vielle à l'époque baroque le pensent, ce qui peut nous étonner aujourd'hui, si nous avons dans l'oreille ses sonorités très détachées, rythmées par l'utilisation du chevalet mobile. Il faudrait probablement considérer que ce style que nous disons « pesant » exprime, de manière non dite, quelque chose de la façon de jouer et du type de répertoire utilisé par les mendiants joueurs de vielle.

Dès lors on ne s’étonnera pas que les compositeurs intéressés par la vielle à l'époque de son triomphe aient produit peu d'œuvres signées mettant en évidence son caractère pesant, car il eût fallu mettre en scène l'instrument populaire en soulignant ses défauts, ceux-là même que luthiers, compositeurs et interprètes vont, sous le règne de Louis XV, devoir effacer pour que la vielle gagne ses quartiers de noblesse et puisse être considérée comme un instrument « brillant » digne de côtoyer les autres instruments de l'orchestre baroque.

Mais, à l’inverse, il faut tenir compte du fait que, si la vielle que nous disons pesante ne jouit pas d'une grande faveur auprès des compositeurs qui veulent faire entendre une musique savante, elle est, en revanche, fort utile au pédagogue, donnant l'occasion de donner à jouer des airs lents et faciles à des débutants ou à des personnes qui, bien que « de qualité », seraient néanmoins peu compétentes en musique. D'où probablement un certain succès et, en tout cas, l’existence d’un répertoire. Par ailleurs, on remarquera que ces pièces, que nous considérons comme pesantes, sont, dans la majorité des cas, construites comme des gavottes 1 et pourraient donc ou devraient donc se jouer plutôt gaiement ; nous nous en expliquerons en conclusion de ce chapitre.

Notes
2.

Nous avons développé cette question dans notre chapitre 10, section 10.1. : La décontamination.

1.

La gavotte est une danse légère (bien que parfois indiquée lentement). Elle est notée à 2 temps (chaque temps valant 2 noires). Elle commence, en levée, par la troisième noire de la mesure. Chaque phrase comporte 4 mesures, l'air et le rythme sont simples.