21.3. Charles Bâton

Il s'agit du troisième virtuose dont nous signalons l'existence 1 . Il est intéressant à plus d'un titre. Comme virtuose, il se produit même devant la reine, comme luthier, il propose d'importantes modifications concernant la facture de l'instrument, comme « musicologue » il publiera une analyse critique de la conception de la musique française défendue par Rousseau 2 .

Mais Bâton nous intéresse ici en raison des œuvres qu'il a écrites pour vielle et qui sont au nombre de quatre (si on ne tient pas compte du Recueil de pièces à deux musettes qui conviennent aux vièles et autres instruments, qui date de 1733 et retient la musette comme instrument à privilégier). En voici la liste :

-Premier Œuvre contenant trois suites pour deux vièles, muzettes, flûtes traversières, flûtes à bec, et hautbois et trois suites avec la basse continue, Paris, 1733.

-La Vièle amusante. Divertissement en six suites pour les vièles, muzettes, flûtes traversières, flûtes à bec, et hautbois avec la basse continue, Paris, 1733.

-Six Sonates pour la vièle. Quatre avec la basse continue Et deux en Duo quelques une de ces sonates peuvent se jouer sur la muzette. Œuvre III e , Paris, 1734[?].

-Les amusements d'une heure. Duos pour la vièle et la muzette. Œuvre IV e , Paris, 1741 (?).

On remarquera, avec Robert Green, que si Bâton n'est pas le premier musicien à publier pour la vielle (puisque son premier ouvrage date de 1733), il est le premier à exploiter systématiquement les possibilités expressives et techniques de cet instrument 3 .

Comme Ravet, Bâton reste fidèle au goût français, totalement quand il écrit des suites, un peu moins nettement quand il s'agit de sonates.

Mais contrairement à Ravet, Bâton écrit pour « tout public ». Certaines œuvres sont malléables et peuvent être jouées par des instrumentistes de niveau assez faible comme par des Maîtres qui les enrichiraient de façon notable. En revanche, d'autres œuvres sont difficiles à jouer.

A titre d'exemple de pièce facile, de veine populaire, mais qui appelle en quelque sorte la baroquisation, nous proposons le Branle qui termine le Premier Amusement, intitulé La Vernay.

En contraste, nous reproduisons ci-après une pièce très viste, tirée de la 5e suite de la première œuvre, dont les volées ascendantes de triples ou quadruples-croches nécessitent un jeu avec l'ongle parcourant le clavier, alors que les doubles-croches en série, montant jusqu'au sol du sommet du clavier, nécessitent, si on veut les jouer très viste, une agilité certaine de la main gauche ainsi qu'une excellente technique dans la manière d’articuler.

On rencontre dans l'œuvre de Bâton l'utilisation de certains procédés bien adaptés au jeu de la vielle. Citons l'opposition dynamique fort/doux obtenue en variant la vitesse du tour de rouemais aussi certains changements dans l'articulation qu’autorise un jeu avec les trois modalités d'articulation que l'on peut réaliser avec la vielle 1 , ou encore l'emploi de batteries arpégées.

Notes
1.

Pour plus de détails, voir notre introduction à BÂTON, Charles,Premier œuvre contenant trois suites pour deux vièles, Béziers,Editions de la société de musicologie de Languedoc, 2003.

2.

BATON, Charles, Examen de la lettre de M. Rousseau sur la musique française, Paris, 1754.

3.

GREEN, Robert, A, The hurdy-gurdy in eighteenth century France, Indianapolis, Publications of the Early Music Institute, 1995, p.40.

1.

Voir notre chapitre 14 (La trompette de la vielle et l’articulation du poignet), avec l'exposé de la thèse de Bâton (section 14.3.1.) et notre conclusion (section 14.4.).