22.4. Pour un nouvel idiome sonore, Comment a-t-on transformé l’instrument et son jeu ?

22.4.1. La lutherie

Une nouvelle facture de l'instrument apparaît et se stabilise sous le règne de Louis XV 2 . « L’anatomie » de la vielle emprunte des formes dérivées de la guitare et du luth. Cela permet à notre instrument d'acquérir plus de brillant et de netteté dans la production du son. L’instrument s'enrichit d'ivoire et de nacre, matériaux utilisés pour désigner un changement de statut social. De plus, la vielle est le seul instrument baroque dont la table soit fabriquée en bois précieux, l’acajou, ce qu’il ne faut pas analyser seulement comme une manifestation du paraître. Certes, la table d’acajou est un signe extérieur de richesse qui plait à l’œil et indique, que, comme accessoire de scène, la vielle convient aux personnes de qualité. Mais elle a aussi une fonction musicale, autorisant un meilleur contrôle du volume sonore des bourdons par rapport aux chanterelles, évitant que ceux-ci n’envahissent tout l’espace sonore au détriment de la mélodie.

La petite lutherie permet aussi des améliorations techniques correspondant à un gain de productivité (plus de brillant dans l’exécution) : des touches supplémentaires augmentent l'ambitus, elles sont fabriquées en ivoire et en ébène ce qui leur permet de mieux coulisser et a pour effet de diminuer l'inertie de l'instrument ; mais ces matériaux riches participent aussi à la désignation visuelle de l’instrument, le confirmant dans sa dignité d’objet luxueux pour personnes de qualité. Des cordes sympathiques sont ajoutées en imitation de cet instrument aristocratique qu’est la viole, un capodastre permettra de passer de la tonalité de Do à la tonalité de Sol, les têtes sculptées le seront avec grand soin.

En résumé le travail des luthiers répond à deux objectifs. D’abord il s’agit de soigner l’apparence de l’instrument, c’est à dire d’en faire un bel objet, digne de l’aristocratie et pouvant servir de parure. Ensuite il s’agit de promouvoir la vielle comme un instrument capable de jouer des mélodies plus complexes que les airs rustiques, de les jouer plus vite, avec une meilleure qualité du son, et de manière suffisamment puissante, pour pouvoir, par exemple, dialoguer avec le violon. Il faut hisser la vielle à hauteur des autres instruments baroques, opération de promotion dont l’objectif est de la rendre digne des mains de l’aristocrate comme de celles du virtuose.

Notes
2.

Voir chapitre 11. : La lutherie.