Dans son ouvrage de référence, Robert Green 1 répertorie 212 œuvres dont on a retrouvé la partition, dont 4 manuscrites 2 . Selon les mêmes sources, le nombre d’auteurs citant la vielle comme instrument susceptible de jouer certaines de leurs œuvres s’élève à 67. Les publications s’étalent entre 1725 et 1765, avec une période faste allant de 1734 à 1742.
Parfois, dans 13% des cas seulement, l’auteur, dans sa présentation, citera la vielle à l’intérieur d’une liste d’instruments convenant à l’œuvre proposée ; tout se passe comme s’il n’était pas alors reconnu à notre instrument de particularité, comme si son nom était cité à des fins commerciales pour capturer aussi une clientèle jouant de la vielle, la composition musicale proposée pouvant être indifféremment exécutée par tous les instruments de dessus.
Mais dans la majorité des cas, la vielle est associée à la musette, qu’il s’agisse des deux seuls instruments cités (dans 28% des cas) ou des deux instruments cités en tête de liste et mis en évidence par la typographie (dans 53% des cas). Comme « l’effet bourdon » est le facteur qui rapproche la vielle de la musette, on peut penser que le monde baroque accorde une attention particulière à cette spécificité idiomatique, qui désigne une origine rurale et permet donc l’évocation arcadienne.
En revanche, la vielle n’est désignée comme le seul instrument destiné à jouer l’œuvre que dans 5% des cas seulement. C’est pour nous un argument supplémentaire montrant que la caractéristique idiomatique la plus spectaculaire de la vielle à roue et la plus discutée, à savoir la place dans l’expression sonore que peut prendre l’utilisation du « coup de poignet » agissant sur la corde trompette et le chevalet mobile, n’est pas considérée comme une particularité spécialement attrayante 1 .
Il existe plusieurs répertoires pour la vielle.
GREEN, Robert, A, The hurdy-gurdy in eighteenth century France, Indianapolis, Publications of the Early Music Institute, 1995.
Il existe un nombre bien plus important de manuscrits disséminés dans de nombreuses bibliothèques et, à notre connaissance, trois recueils imprimés mais anonymes non répertoriés par Green. De plus, l’analyse du Catalogue des annonces publié par Anik Devriès-Lesure permet de relever l’existence de 10 œuvres signées ayant échappé à la perspicacité de Green. (Voir : DEVRIES-LESURE, Anik, L’édition musicale dans la presse parisienne au XVIII e siècle, Paris, CNRS EDITIONS, 2005).
Le seul exemple que nous reconnaissons d’une manifestation explicite d’intérêt pour le jeu du chevalet mobile concerne le tambourin, danse qu’il faut exécuter en imitant l’instrument qui la désigne. De plus il est probable que, comme nous l’indique Green, certains auteurs pourraient bien sous-entendre qu’il faut utiliser le coup de poignet de la vielle pour obtenir des « effets spéciaux », quand il s’agit d’évoquer le tonnerre, la tempête ou le bruit des canons.