1. La comparaison internationale

La méthode comparative fait partie intégrante de la tradition sociologique, ce que nous enseigne notamment l’œuvre de Weber et tout particulièrement ses écrits portant sur les typologies (Weber, 1965). De plus, les comparaisons entre les nations sont presque aussi anciennes que la discipline. Il suffit de rappeler Durkheim (1976) et la mise en parallèle des sociétés qu’il a opéré afin d’établir les causes sociales des différents types de suicide, ou encore de souligner les analyses comparatives de Weber (1985) en vue de fonder le lien existant entre les convictions religieuses et les modes de développement économique. Il s’agit-là d’illustrations exemplaires de l’ancienneté du comparatisme en sociologie. Lorsque la méthode de la comparaison internationale est empruntée, c’est souvent en raison du contexte général dans lequel s’inscrit la recherche et dans un but ou selon les formes que ce dernier induit. La démarche comparative n’est pas anodine, par exemple, lors des premiers pas d’une sociologie qui cherche à affirmer sa vocation totalisante. L’attention est alors plus ou moins centrée sur un phénomène social particulier, en vue de montrer la portée théorique générale du modèle, par-delà les frontières nationales (Bouvier, 2000 : 54). L’intérêt pour la comparaison internationale s’est aussi activé, sous de nouveaux jours, au cours des années 60 et 70. Le contexte géopolitique n’y est alors pas étranger : c’est l’époque de la fin du colonialisme – du moins dans sa forme traditionnelle. Le morcellement territorial a engendré un foisonnement d’études comparatives entre, d’un côté, ces sociétés nouvellement indépendantes et, de l’autre, les vieux pays (Bouvier, 2000 : 54). Par ailleurs, certains chercheurs de l’époque ont vu dans la comparaison internationale le moyen d’affirmer la supériorité du modèle capitaliste de développement économique, et donc du modèle occidental. Enfin, cette période correspond également à l’institutionnalisation de la sociologie (fondation de revues scientifiques, de départements universitaires) et à la redécouverte des auteurs classiques et de leur méthode comparative (Dupré et al., 2003 : 8).

Aujourd’hui, la démarche comparative s’inscrit de toute évidence dans le contexte de la mondialisation économique et des constructions régionales (telles que la Communauté européenne), lesquels provoquent une interconnectivité grandissante des activités sociales nationales. Non seulement l’intérêt pour la comparaison internationale naît-il de cette internationalisation des phénomènes sociaux et de la volonté de mesurer leurs similitudes autant que leurs disparités, mais il est directement entretenu par les initiatives politiques en vue de former un espace de recherche européen et des partenariats scientifiques internationaux (Bynner et Chisholm, 1998 : 141; Spurk, 2003 : 81; Bouvier, 2000 : 55). Notre intérêt pour la comparaison internationale, bien qu’il ne provienne pas d’un financement institutionnel ayant eu l’aspect comparatif comme condition d’attribution, découle effectivement de l’internationalisation d’une réalité, celle de l’enseignement supérieur, plus particulièrement sous la forme de l’institutionnalisation de la mobilité internationale des étudiants.