Les quelques tableaux présentés ci-après n’ont pas pour but de faire un usage statistique de cette étude de type qualitatif, mais ils nous aident à décrire succinctement les caractéristiques principales de ceux qui, à partir de nos trois principaux critères de sélection – mobilité internationale dans le cadre de la formation, de retour dans la société d’origine, en emploi ou en recherche d’emploi au moment de l’entretien – forment la population enquêtée. C’est donc une fois la récolte des entretiens terminée que la répartition par le sexe, l’âge, le secteur disciplinaire, le niveau de scolarité au moment du séjour d’études, le pays de destination, la durée du séjour, le niveau de diplôme obtenu, et l’occupation actuelle donne les résultats suivants en France et au Québec.
| Français | Québécois | |
| Féminin | 24 | 19 |
| Masculin | 16 | 21 |
| Total | 40 | 40 |
| Français | Québécois | |
| 25 ans et moins | 10 | 13 |
| 26 à 30 ans | 29 | 19 |
| 31 et plus | 1 | 8 |
| Total | 40 | 40 |
| * L’âge moyen est de 27 ans en France et au Québec. Le plus jeune des enquêtés est âgé de 24 ans en France et de 22 ans au Québec alors que le plus âgé des enquêtés a 31 ans en France et 35 ans au Québec. | ||
| Français | Québécois | |
| Sciences humaines et sociales | 8 | 12 |
| Gestion, commerce, finance | 8 | 10 |
| Sciences pour l’ingénieur | 7 | 7 |
| Langues 69 | 8 | 2 |
| Lettres et arts | 1 | 5 |
| Architecture | 3 | 2 |
| Sciences de la nature | 3 | 2 |
| Droit | 2 | 0 |
| Total | 40 | 40 |
| * Secteurs élaborés à partir des divisions de la CREPUQ et du Conseil de la région Rhône-Alpes. | ||
| Français | Québécois | |
| 1er cycle (DEUG-DUT-Licence et Baccalauréat québécois) | 17 | 28 |
| 2e cycle (Bac + 4 et Maîtrise) | 21 | 4 |
| 3e cycle (DESS, DEA et Doctorat français et québécois) | 2 | 8 |
| Total | 40 | 40 |
| * Mobilité pour laquelle l’étudiant a été rejoint. | ||
| Français | Québécois | |
| France | 0 | 19 |
| Canada (Québec) | 10 | 0 |
| Canada (Ontario) | 3 | 0 |
| États-Unis | 2 | 5 |
| Amérique du Sud* | 0 | 4 |
| Angleterre | 7 | 2 |
| Italie | 5 | 2 |
| Europe du Nord** | 2 | 3 |
| Autres pays européens*** | 9 | 3 |
| Autres pays**** | 2 | 2 |
| Total | 40 | 40 |
| * Mexique et Brésil. | ||
| ** Suède et Finlande. | ||
| *** Allemagne, Autriche, Hollande, Belgique, Écosse, Irlande, Espagne. | ||
| **** Australie, Tunisie, Taiwan. | ||
| Français | Québécois | |
| 4 mois (un semestre) | 1 | 10 |
| 8-9 mois (année scolaire) | 38 | 21 |
| Plus d’un an | 1 | 9 |
| Total | 40 | 40 |
| * Séjour pour lequel il a été contacté. Ces données n’incluent pas ceux qui sont finalement restés moins longtemps (3 Québécois) ou pour une durée prolongée (4 Français et 1 Québécois) par rapport à ce qui était prévu au départ. | ||
| Français | Québécois | |
| Sans diplôme universitaire (études inachevées) | 0 | 2 |
| 1er cycle (DEUG-DUT-Licence et Baccalauréat québécois) | 4 | 14 |
| 2e cycle (Bac + 4 et Maîtrise) | 21 | 14 |
| 3e cycle (DESS, DEA et Doctorat français et québécois)* | 15 | 10 |
| Total | 40 | 40 |
| * Parmi les diplômés français de 3e cycle, neuf ont obtenu un DESS, trois un DEA et trois un doctorat. | ||
| Français | Québécois | |
| Intérim/ Vacataire* | 4 | 1 |
| Contrat à durée déterminée (CDD) | 6 | 13 |
| Contrat à durée indéterminée (CDI) | 19 | 21 |
| En recherche d’emploi | 11 | 5 |
| Total | 40 | 40 |
| * Incluant les chargés de cours à l’université. | ||
Ce double terrain d’enquête rencontre la limite, faute de moyens, de ne pas avoir été mené en alternance entre les sociétés française et québécoise. Le déséquilibre entre l’échantillon français et l’échantillon québécois relativement au niveau de scolarité au moment du séjour à l’étranger et, au final, au niveau de diplôme obtenu, aurait en effet probablement pu être évité ou contrôlé davantage si les différents intermédiaires qui allaient nous faire entrer en communication avec les Québécois avaient été connus plus tôt. Des moyens auraient alors été entrepris avec plus d’insistance afin d’avoir accès à un nombre plus grand de doctorants en France. Car les étudiants de doctorat présente une situation particulière – grande spécialisation, importance des ressources mobilisées, durée prolongée de la période de formation, longueur et/ou répétition des séjours à l’étranger, etc. – qui risque d’affecter les motivations au départ ainsi que l’insertion professionnelle dans une voie différente de celle des diplômés des niveaux inférieurs. Cela dit, il faut préciser que les bourses EURODOC constituent un dispositif bien différent de celui des bourses FQRNT-FQRSC, ce qui signifie que leur prise en considération n’aurait pas supprimé toute divergence entre les compositions des deux échantillons. Alors que pour les bourses EURODOC, l’étudiant doit préparer sa thèse en cotutelle, pour les bourses FQRNT-FQRSC, il n’y est pas tenu et peut utiliser la bourse pour toute la durée de sa formation à l’étranger, c’est-à-dire sans conserver aucune attache formelle que ce soit avec une université dans la société d’origine. À l’exception d’une enquêtée qui a fait sa thèse dans le cadre d’une cotutelle entre la France et le Québec, tous les autres doctorants québécois de notre échantillon étaient inscrits en tant qu’étudiant régulier à l’étranger, c’est-à-dire avec le même statut que les étudiants locaux. De plus, la bourse EURODOC s’élève à 3 810 euros pour toute la durée du séjour à l’étranger, lequel doit être d’au mois 6 mois. Les bourses du FCAR – qui, rappelons-le, ne sont pas destinées exclusivement à la mobilité des doctorants – étaient de 13 000$ par année pendant trois ans. L’étudiant qui en touchait la totalité recevait donc un montant de 39 000 dollars canadiens.
Dans le cadre d’une comparaison internationale, il faut porter une attention particulière à ce que les modalités de construction des échantillons d’entretiens ne conduisent pas tout droit et malencontreusement à une interprétation en termes de différences nationales. Dans cette étude-ci, ce qui peut apparaître à première vue comme un biais s’est en revanche révélé être un important facteur de réflexion. Alors que l’échantillon français a été formé jusqu’à ce qu’il atteigne un certain point de saturation, l’introduction d’une nouvelle catégorie de répondants, lors de l’investissement du terrain québécois, a introduit une brèche dans la problématique laquelle, faut-il le rappeler, est un processus en construction. La saturation est un « phénomène par lequel, passé un certain nombre d’entretiens (biographique ou non, d’ailleurs), le chercheur ou l’équipe a l’impression de ne plus rien apprendre de nouveau, du moins en ce qui concerne l’objet sociologique de l’enquête » (Bertaux, 1980 : 205). Lorsque cette impression est atteinte, et si le chercheur a préalablement pris soin de varier le plus possible ses répondants afin de s’assurer d’une certaine constance, même dans la diversité, de ses observations, nous pouvons dire que les représentations du réel proposées par les récits sont valides. Le vécu des boursiers doctoraux québécois ouvre non seulement à une catégorie d’étudiants dont le niveau de scolarité est susceptible d’engendrer un rapport aux autres, aux institutions et à l’espace particulier, mais aussi à une catégorie spécifique d’étudiants mobiles : ceux qu’on appelle, dans le milieu des relations universitaires internationales, les autonomes ou en mobilité individuelle (Slama, 1999; Coulon et Paivandi, 2003). En d’autres termes, il s’agit des personnes qui s’inscrivent en tant qu’étudiant régulier à l’étranger, sans aucune attache institutionnelle dans la société d’origine. Le caractère spécifique de cette forme de mobilité étudiante a fait ressortir les jeux d’influence entre des conditions institutionnelles et structurelles particulières d’une part, et certaines modalités d’action et de représentation de la mobilité, d’autre part. Jeux d’influence qui, une fois révélés chez les étudiants de doctorat, ont conduit à focaliser l’attention sur le caractère (autonome vs institutionnalisé 71 ) des autres expériences de mobilité internationale que quelques enquêtés ont vécu au cours de leur carrière. Car si d’autres entretiens auprès de Français n’ont pu être amassés après que se soit produit ce déplacement du plan de la problématique lors de la récolte des récits québécois, il n’empêche qu’une jeune Française, de même que des Québécois non doctoraux, cumulent ce genre d’expériences internationales autonomes au cours de leur parcours. Le déroulement du terrain québécois a permis de porter l’attention sur le rapport à l’espace et à la mobilité en fonction du degré d’institutionnalisation des séjours d’études dans chacune des sociétés. Ce dénouement a orienté les relectures des entretiens en fonction de ce déplacement dans la représentation de l’objet de recherche.
La constitution finale des deux échantillons a donc eu l’avantage de nous conduire sur des pistes d’interprétation qui, si elles ne permettent pas de confirmer avec certitude que les différences de parcours des jeunes résultent de particularités sociétales – c’est-à-dire qu’ils sont typiquement français et typiquement québécois – permettent de présenter les divergences comme des traits « susceptibles d’être construits comme des différences nationales » (Vassy, 2003 : 221). Cette remarque n’est d’ailleurs pas seulement opportune en raison des spécificités qui ressortissent à nos deux échantillons. Elle vaut pour toutes les comparaisons internationales réalisées sur la base de données qualitatives, lesquelles portent en elles le danger de généraliser abusivement des données récoltées localement. Les faits observés à partir d’étudiants originairement inscrits dans des établissements de la région lyonnaise sont, après tout, difficilement extrapolables à l’ensemble des étudiants mobiles du pays. Même si tous les Conseils régionaux français sont dotés de dispositifs d’aide financière à la mobilité internationale des étudiants, les montants, les conditions d’attribution et le nombre de bourses versées varient 72 . Cela ne signifie toutefois aucunement que les entretiens soient un matériau sans pertinence dans le champ des comparaisons internationales. En toute rigueur, l’analyse de comparaison internationale à partir de données qualitatives
‘« doit être comprise comme une étude exploratoire, qui ouvre des pistes demandant à être confirmées par d’autres études, utilisant éventuellement d’autres méthodes de recherche, comme par exemple une enquête par questionnaire auprès d’un vaste échantillon » (Vassy, 2003 : 221). ’Tel que l’indique cette même auteure, un « bricolage méthodologique » peut apporter des indices servant d’appui à certaines observations (Vassy, 2003 : 221). Dans notre cas, d’autres études nationales, des données statistiques, certains témoignages extérieurs – notamment ceux des acteurs institutionnels qui sont impliqués dans le domaine des relations franco-québécoises, lesquels ont une connaissance aiguisée des deux sociétés – viendront alimenter nos réflexions et appuyer les divergences sociétales observées à partir des analyses d’entretiens. Les rencontres effectuées avec les représentants de services, d’associations et d’organismes de la mobilité internationale des jeunes ont effectivement été d’un apport considérable pour l’analyse des pratiques et des représentations des jeunes.
La catégorie « Lettres, langues et arts » a été subdivisée de façon à pouvoir identifier le nombre d’enquêtés en études de langues. Tous les étudiants en Langues étrangères appliquées (LEA) et en Langues, littératures et civilisation étrangères (LLCE), qui n’ont pas tout à fait leur pendant au Québec, ont été comptabilisés dans la catégorie « Langues ». La catégorie « Lettres et arts » comprend les études en littérature, théâtre et cinéma.
Pour un aperçu des correspondances entre les diplômes français et les diplômes québécois, consulter le tableau de l’annexe 1.
Les mobilités institutionnalisées se déclinent sous plusieurs formes. Il peut s’agir, comme la majeure partie de nos enquêtés, d’un séjour de formation dans le cadre d’une entente bilatérale ou multilatérale : l’étudiant suit dans l’université d’accueil les cours équivalents en contenu à ceux qu’il aurait dû suivre s’il était resté dans son université d’attache. Il peut s’agir également, comme l’explique ce représentant de Lyon 2, d’un départ dans le cadre d’un stage ou d’un double diplôme : « Ça peut être aussi bien pour un parcours d’études intégrées, c’est-à-dire un séjour d’études à l’étranger que pour un stage. Depuis deux ans, on développe beaucoup l’idée d’un stage à l’étranger. […] L’autre élément qu’on veut développer beaucoup plus c’est ce qu’on appelle le double diplôme. Et ça c’est un projet de mobilité qui pour moi, en tout cas, est très important. Double diplôme, en fait, ça correspond si vous voulez à des parcours à l’étranger un peu spécifique puisque comme vous le savez, quand un étudiant part en études intégrées, il n’obtient que le diplôme de l’université d’origine. Double diplôme, il obtient les deux. Il y en a quatre actuellement. Et ça, pour moi, c’est un schéma très intéressant et que j’aimerais bien renforcer ». Malheureusement, nous n’avons pas eu l’occasion de rencontrer des jeunes partis dans le cadre d’un double diplôme.