CHAPITRE 3. LA GLOBALISATION, LES CONDITIONS DE TRAVAIL ET LA VIE SOCIALE

« To think in terms of globalization means to contextualized the social, spatially » (Therborn, 2000: 149).

La pléthore d’études menées ces dernières années sur des problèmes apparemment globaux, sans compter son usage fréquent et abusif qui lui donne un caractère « à la mode », ont contribué à galvauder le sens du concept de globalisation. Si bien qu’on ne sait parfois plus à quelle réalité empirique il réfère, ni quelle définition conceptuelle lui appliquer. Les usages presque indifférents des notions de mondialisation, de globalisation et d’internationalisation, dans la littérature, témoignent de ce manque de rigueur scientifique. Plus encore, certains auteurs mettent en doute la légitimité fondamentale de la sociologie à se pencher sur des phénomènes qui par définition dépassent les cadres et les frontières, à la fois conceptuels et empiriques, à l’intérieur desquels et pour lesquels cette science a vu le jour il y a de cela un peu plus d’un siècle (Robertson, 1992). Le nombre de publications récentes portant sur la légitimité du concept de globalisation en sociologie est symptomatique de cette prise de distance critique, qu’on cherche à identifier ce qui, parmi les processus qu’il charrie, est de l’ordre du mythe ou de la réalité (Cordellier et Doutaut, 1997), qu’on tente de définir la globalisation (Michaud, 2004), qu’on s’attache au contraire à montrer ce qu’elle n’est pas (Martin et al., 2003), qu’on remette le phénomène en question (Hirst et Thompson, 1996) ou qu’on s’attarde à en faire le procès (Goldsmith et Mander, 2001). Et la liste des ouvrages ici rapportés est, bien sûr, loin d’être exhaustive et représentative.

Selon Busino, l’apparition du terme de globalisation dans le vocabulaire français daterait de la fin des années 50. Il désigne alors :

‘une situation de crise marquée par l’apparition de pouvoirs et de contraintes nouveaux (économiques, financiers, scientifiques, culturels) ainsi que par des cadres de vie inédits indiscernables et pourtant bien concrets, tels que le nivellement et l’uniformisation des phénomènes, le durcissement de la compétition économique, les inégalités des conditions de production, la circulation non maîtrisable des capitaux, etc. (Busino, 2001 : 167).’

Cette crise serait due à la généralisation du système capitaliste et à la mondialisation des marchés, ainsi qu’à la suppression des distances grâce au développement des moyens de transport et des nouvelles technologies de communication. Pour sa part, Latouche (2001) soutient que le terme globalisation aurait d’abord été un slogan lancé par la firme Sony au cours des années 80 dans une publicité de baladeurs. L’idée qu’il n’existait qu’une seule culture, globale, aurait alors été reprise par d’autres firmes multinationales ainsi que par le gouvernement américain. Le terme, d’origine économique, désigne alors un processus anonyme et irréversible, mais également profitable et bénéfique pour l’humanité.

Au-delà de la diversité des sens attribués à la globalisation et à ses conséquences – est-elle à l’origine d’une crise ou d’un progrès? Consiste-t-elle en un processus nécessaire et irréversible ou est-elle maîtrisable? – les ambiguïtés et les doutes quant à la pertinence de l’usage sociologique de la notion de globalisation trouvent notamment leur origine dans le fait que la relative nouveauté du concept au sein des sciences sociales cache en fait des réalités plus anciennes. Cela a pour conséquence subversive de donner une allure nouvelle et inédite à tout ce qu’elle propose d’expliquer, et questionne, dans la foulée, la légitimité d’éclairer les phénomènes sociaux sous la lampe de la globalisation.

L’objet de ce chapitre est justement de resituer la globalisation dans sa dimension historique afin de mieux délimiter ses réalités empiriques et ses implications théoriques. Après l’avoir défini conceptuellement, nous nous appliquerons donc à circonscrire ses contours économiques et ses conséquences sur les marchés du travail et les conditions de vie sociale, à la fois à l’échelle globale et à l’échelle des sociétés française et québécoise. Cet arrière-plan offrira des éléments macrosociologiques et structurels de compréhension de la mobilité internationale des étudiants dans ses dimensions tant politiques et institutionnelles que dans ses dimensions individuelles.