CHAPITRE 4. L’INTERNATIONALISATION DE L’ÉDUCATION ET L’INSTITUTIONNALISATION DE LA MOBILITÉ INTERNATIONALE DES ÉTUDIANTS

La mobilité internationale des scientifiques, étudiants et travailleurs qualifiés est loin d’être une réalité nouvelle. L’histoire est remplie de personnages qui, au gré de leur curiosité intellectuelle, des menaces politiques ou des problèmes économiques, se déplacent pour mieux s’adonner à leur quête du savoir. L’avancement des connaissances apparaît en effet dépendant du bouleversement des idées. Hermès n’est-il pas à la fois le dieu des voyageurs et des commerçants, de l’invention et des sciences? Et si l’institutionnalisation – c’est-à-dire l’organisation sociale, politique et économique – de la mobilité des savoirs et de ceux qui les portent est plus récente, celle-ci ne date pas non plus d’hier. Les deux Guerres mondiales, notamment la Deuxième Guerre et son lot d’intellectuels exilés d’Allemagne, constituent en cela un tournant. C’est effectivement au lendemain de cette catastrophe que l’Amérique du Nord universitaire (particulièrement les Etats-Unis) acquière progressivement, aux dépens de l’Europe, sa position de centre scientifique. Et c’est pour empêcher qu’une pareille haine se déchaîne à nouveau que les Nations Unies multiplient alors conférences, recommandations et résolutions en faveur d’une plus grande mobilité transnationale des individus, le précepte sous-jacent à cette entreprise étant que le contact permis par cette mobilité favorisera une plus grande communication interculturelle et une meilleure compréhension entre les peuples. Depuis, les transformations économiques et le développement des moyens de transport et des nouvelles technologies de l’information et des télécommunications n’ont fait qu’amplifier ces mouvements internationaux de scientifiques et d’individus qualifiés.

Dans son rapport Trends in International Migration de 2004, l’OCDE indique qu’il y a une forme de migration internationale qui a particulièrement augmenté ces dernières années, celle des étudiants étrangers :

‘One of the most striking features of the recent changes in international migration flows is the emergence of a « new » category of admissions : foreign students. They join the three main categories of migration described earlier (family reunification, refugees and asylum seekers and employment-related migration) (OCDE, 2004a: 35). ’

L’OCDE (2001 : 120) n’hésite pas à mentionner l’institutionnalisation comme l’un des facteurs les plus déterminants de la mobilité des étudiants. Les accords d’échanges et la validation des acquis à l’étranger facilitent l’organisation du départ, réduisent les inquiétudes liées à un tel projet, permettent dans certains cas d’obtenir des avantages matériels tels qu’une bourse ou un logement, et encouragent donc les étudiants à se lancer dans l’aventure.

Après un rappel de l’ancienneté du phénomène des migrations étudiantes et scientifiques, nous examinerons les principales initiatives politiques et institutionnelles entreprises au cours des dernières années en Europe ainsi que dans les deux sociétés qui nous intéressent ici 104 . Ce mouvement d’internationalisation de l’éducation constitue l’impulsion politique derrière l’accroissement des flux de mobilité internationale des étudiants étrangers dans le monde et plus particulièrement des étudiants français et québécois, ce qui est présenté en troisième point. Enfin, le chapitre se termine avec l’exposition des principales perspectives dans lesquelles le phénomène de la mobilité étudiante internationale est généralement approché dans la littérature. Ce dernier tableau permettra de mieux situer la perspective adoptée dans le présent travail.

Notes
104.

Nous invitons le lecteur intéressé à consulter le récapitulatif des relations historiques entre le Québec et la France présenté en annexe 4.