Ces facteurs externes liés aux transformations de l’économie internationale et aux initiatives des autres gouvernements nationaux en matière d’éducation ne doivent cependant pas occulter la pression interne également exercée par les établissements d’enseignement auprès de leur gouvernement, eux-mêmes pressés par la demande des étudiants : « Pour les établissements d’enseignement supérieur, l’impératif de l’ouverture internationale résulte à la fois de la montée de la pression étudiante et de la compréhension de la nécessité de cette ouverture pour le positionnement et la réputation de leur offre de recherche et de formation » (CNDMIE, 2004 : 13). Ces initiatives universitaires quant à l’internationalisation sont souvent encouragées par les communautés urbaines et/ou les collectivités territoriales, lesquelles voient là un aspect majeur de leur essor économique et de leur propre positionnement mondial en matière de recherche et développement. Le processus d’internationalisation des universités prend différentes formes selon les établissements. C’est pourquoi nous ne présentons ici que quelques-unes des principales mesures adoptées par les universités en ce sens et les motifs qu’elles évoquent le plus souvent afin de les expliquer.
Au Québec, la majorité des universités se sont dotées d’une Stratégie institutionnelle d’internationalisation dont le texte et les recommandations sont d’ailleurs disponibles, dans certains cas, sur leur site Internet. Ces stratégies se déclinent en plusieurs volets : l’internationalisation du contenu des formations (à la fois par des enseignements sur la culture d’autres pays et d’autres peuples, mais aussi par des apprentissages scientifiques et méthodologiques étrangers), le soutien à la mobilité des étudiants, professeurs et chercheurs postdoctoraux, l’aide à l’organisation de colloques internationaux, le positionnement et la visibilité de l’université sur la scène internationale et la poursuite de la coopération internationale avec les pays en développement. Pour ce faire, et à titre illustratif, l’Université Laval a mis sur pied le programme Profil international, lequel consiste en l’intégration d’études à l’étranger aux programmes de formation du premier cycle grâce à un encadrement académique, linguistique et financier – et qui donne lieu à la mention « Profil international » sur le diplôme final.
En France, la majeure partie des établissements d’enseignement possèdent aujourd’hui un Service des relations internationales dont la mission est d’aider les étudiants français à organiser leur séjour à l’étranger et d’accueillir les étudiants étrangers qui viennent poursuivre leurs études à l’intérieur de leurs murs. Par ailleurs, certains établissements, notamment certaines écoles de commerce, ont intégré à leur formation un séjour obligatoire d’études ou de stage à l’étranger 127 . Quiconque s’inscrit dans l’un de ces établissements est alors tenu d’effectuer une partie de sa formation dans un autre pays sous peine de ne pas se voir attribuer son diplôme. Tous les étudiants n’ayant pas les mêmes dispositions à la mobilité, des universités, avec l’aide de la Commission européenne, mettent en place d’autres alternatives :
‘« Par ailleurs, nous la mobilité, c’est également la mobilité d’enseignants. C’est-à-dire que la réflexion qu’on a menée il y a déjà un petit moment, c’est que dans la mesure où tous les étudiants de Lyon 2 ne pouvaient pas encore partir en mobilité, il pouvait être intéressant de faire venir des enseignants étrangers de manière un peu systématique pour que les étudiants soient confrontés à des cours de langue dans leur spécialité. C’est ce qu’on appelle l’opération Minerve, qui est une opération pilote. C’est une opération qui a été lancée avec Barcelone et avec Frankfurt l’idée étant l’échange d’enseignants qui viennent dispenser des cours dans leur spécialité auprès d’étudiants dans leur spécialité. Donc ça permet à des étudiants d’être quand même confrontés à un apport international qui à l’origine n’était pas nécessairement articulé à une mobilité effective. Dans le nouveau projet qu’on a par rapport à Minerve, on veut articuler ça à une mobilité effective. C’est-à-dire qu’on veut montrer aux étudiants que s’ils font l’effort de suivre ces cours, à ce moment-là il y aura une possibilité de mobilité par la suite»128.’Tout comme les gouvernements ou l’Union européenne, les établissements d’enseignement supérieur font appel au processus de la globalisation – « Économie du savoir, mondialisation accélérée, mobilité spectaculaire des ressources humaines, matérielles et financières… » 129 – pour expliquer le rôle essentiel qu’ils doivent jouer dans ce contexte. D’après les propos du représentant de Lyon 2 cité à l’instant, les universités se donnent le mandat de permettre à leurs étudiants d’acquérir les compétences internationales, interculturelles et personnelles adaptées à ces nouvelles réalités :
‘« Il y a faire passer le message qui est que l’anglais finalement maintenant ça devrait être considéré de façon aussi systématique que le français, l’informatique, etc. Donc c’est même pas considéré comme une langue étrangère. Et que, par ailleurs, il faut avoir appris une langue étrangère. Qu’on ne peut pas penser insertion professionnelle sans ce bagage-là. Mais il y a plus que ça pour nous, il y a aussi l’idée d’être capable d’être confronté à une autre culture et de s’adapter à un autre système qui pour moi représente quand même un atout très important dans un parcours de formation visant une insertion professionnelle. » 130 ’Par ailleurs, bien que cela soit moins souvent et ouvertement publicisé, les mesures d’internationalisation entreprises par les universités ont aussi pour vocation de favoriser le recrutement des étudiants, tant nationaux qu’étrangers, dans un contexte où la compétition entre les établissements d’enseignement se fait de plus en plus féroce. En effet, sachant que certains étudiants « nationaux » établissent leur choix d’université sur son caractère international, l’offre internationale devient ainsi une stratégie de recrutement et de positionnement de l’université sur le marché international de l’éducation 131 . À ce titre, les étudiants, parce qu’ils sont demandeurs de séjours d’études à l’étranger, contribuent également au phénomène d’internationalisation de l’enseignement supérieur 132 . Cette stratégie de recrutement n’est évidemment pas strictement locale ou nationale. Les étudiants internationaux permettent de combler les effectifs d’étudiants nécessaires au maintien d’une offre diversifiée d’enseignement, quand ce n’est qu’ils sont la source de financements non négligeables 133 . D’autres voient dans l’expédition de leurs propres étudiants à l’étranger et dans l’accueil réussi d’étudiants en provenance d’autres pays un moyen de représentation internationale, voire même un mode de recrutement. Chaque étudiant en mobilité devient une sorte d’ambassadeur à l’étranger et, au dire de ce représentant d’une université québécoise, participe à l’internationalisation de l’établissement : « Les étudiants qui viennent ici sont tellement bien encadrés que quand ils retournent chez eux, c’est vrai que ça fait de la bonne vente aussi de HEC Montréal. On travaille dans un contexte bilatéral, donc s’il y a des gens qui veulent venir, ça nous ouvre des places dans ces universités-là » 134 .
Dans Patrick Arnoux, « Pourquoi les études à l’étranger sont un must », Le nouvel économiste, no 1176, du 18 au 31 mai 2001, p. 42.
Extrait d’un entretien avec un représentant de l’Université Lyon 2.
Propos de M. François Tavenas, alors recteur de l’Université Laval à Québec, récoltés dans le document intitulé « Le Profil International ». Notons au passage le slogan adopté par l’Université Laval : « Aujourd’hui Québec, demain le monde ».
Interlocuteur de l’Université Lyon 2.
Entretien avec une représentante de l’Université Laval.
Un entretien auprès d’un représentant de l’Université de Montréal nous a confirmé que l’accroissement de la demande étudiante était l’un des déterminants ayant conduit l’Université à produire une offre organisée et cohérente de séjours d’études à l’étranger.
Nous rappelons qu’au Québec, à l’exception des accords d’exemption conclus avec certains gouvernements étrangers, les étudiants étrangers paient environ 7500$ de frais d’inscription annuels de plus que les étudiants québécois.
Propos d’un interlocuteur de HEC Montréal.