3.1 Les étudiants étrangers dans le monde

Les données sur les étudiants étrangers avancées par les organismes internationaux contiennent quelques sur ou sous-estimations qu’il faut considérer dans toute initiative de comparaison internationale.

D’abord, les données fournies par l’OCDE dans son rapport annuel Tendances des migrations internationales 135 sont basées sur le nombre d’inscriptions dans les établissements d’enseignement supérieur de chaque pays membres de l’OCDE et des autres pays partenaires de l’enquête en Asie, en Afrique et en Amérique latine. C’est à partir de ces fichiers qu’est comptabilisé le nombre d’étudiants étrangers présents dans chacun des pays participants (OCDE, 2001 : 103). Par conséquent, ce ne sont pas les flux annuels d’étudiants qui sont mesurés, mais bien les stocks, c’est-à-dire le nombre d’étudiants qui, à chaque année, sont inscrits à l’étranger. Comme la récolte des statistiques se fait à un moment donné de l’année scolaire, ceux des étudiants qui sont en échange international pour une période plus courte peuvent ne pas être comptabilisés. De plus, les fichiers ainsi créés n’enregistrent pas le nombre d’étudiants à partir du pays de départ, mais bien à partir du pays d’accueil. Les étudiants qui partent vers les pays membres et non membres de l’OCDE qui ne fournissent pas ce type d’information ou qui n’ont pas transmis les informations dans les délais requis, échappent donc aux calculs (OCDE, 2003 : 309).

En plus des inconvénients induits par le type de méthode emprunté pour mesurer la présence des étudiants étrangers dans le monde, il faut mentionner que tous les pays ne fondent pas leurs calculs sur les mêmes critères. En effet, certains pays calculent le nombre d’étudiants étrangers inscrits dans leurs établissements d’enseignement à partir de la nationalité ou du lieu de naissance, tandis que d’autres le font à partir du lieu de résidence. Cela conduit tantôt à une exagération du nombre d’étrangers, tantôt à une sous-estimation. Ainsi, lorsque certains enfants d’immigrants ne sont pas naturalisés, comme cela peut arriver dans un pays comme la France, ces derniers peuvent être considérés comme des étudiants étrangers alors qu’ils résident depuis longtemps dans le pays, voire même qu’ils y sont nés (OCDE, 2001 : 103; West et Dimitropoulos, 2003 : 16-17). De même en est-il de la Norvège, qui définit le caractère étranger sur le critère du lieu de naissance plutôt que sur celui du lieu de résidence. Les étudiants nés dans un autre pays sont donc comptabilisés sous la catégorie « étranger » même s’ils ont vécu la majeure partie de leur vie en Norvège. À l’inverse, dans les pays qui récoltent leurs statistiques migratoires à partir du critère du lieu de résidence, tels que le Royaume-Uni, certaines erreurs peuvent s’infiltrer si le ressortissant étranger fournit l’adresse locale d’un parent plutôt que celle de son domicile permanent. Il échappe alors au recensement des étudiants étrangers. Au Canada, certaines personnes peuvent également ne pas être incluses dans la comptabilisation des étudiants étrangers présents sur le territoire si elles résident déjà au Canada tout en ayant un passeport étranger ou si elles y entament des études alors qu’elles se sont déclarées comme immigrantes (c’est-à-dire non étudiantes) lors de leur entrée au pays (OCDE, 2000 : 376). Au Canada comme en France, des risques de surestimation du nombre d’étudiants étrangers sont donc possibles : dans le cas canadien, parce que les autorités gouvernementales peuvent être dans l’incapacité de déduire les effectifs d’étudiants étrangers de ceux qui sont titulaires d’un permis de séjour permanent; dans le cas français, parce que les enfants de parents immigrants qui sont nés sous certaines lois françaises de la nationalité 136 et qui n’ont pas fait dans les délais requis leur demande de naturalisation sont comptabilisés dans les statistiques sur l’éducation sous la rubrique « étudiant étranger » (Wihtol de Wenden, 1997 : 24).

Enfin, les statistiques sur les mobilités étudiantes internationales englobent sans distinction tous les étudiants. Elles ne permettent donc pas de distinguer les étudiants étrangers « autonomes », c’est-à-dire ceux qui s’inscrivent directement dans l’établissement d’enseignement supérieur du pays étranger pour y faire la totalité de leur scolarité et y obtenir un diplôme, des étudiants qui sont partis dans le cadre d’un échange institutionnalisé. Or, cette différence peut être importante lorsqu’on s’intéresse à la question du retour et du non-retour des étudiants étrangers dans leur pays d’origine, de même qu’aux conditions d’accueil. De plus, nous verrons que le type de mobilité effectué (autonome ou organisé) implique des motivations de départ et une appropriation différenciée de la mobilité internationale comme stratégie d’insertion socioprofessionnelle.

Même si un flou entoure le nombre réel d’étudiants étrangers dans le monde, les données dont nous disposons permettent d’avoir une idée de l’état actuel de la situation et de son évolution au fil des ans. Ainsi, l’OCDE dénombre 1 898 250 étudiants étrangers en 2002 (dont 94% se trouvent dans les pays membres de l’OCDE) (OCDE, 2004b : C3.7). Ce nombre était évalué à 1 645 425 étudiants étrangers en 2001 (OCDE, 2003 : 302), 1 377 216 en 1998, 1 177 583 en 1990 et 266 118 en 1962 137 . Le rythme de croissance annuelle du nombre d’étudiants étrangers au cours des quarante dernières années est de 7% (Coulon et Paivandi, 2003 : 4). Les étudiants étrangers constitueraient environ 2% de l’ensemble de la population étudiante de l’enseignement supérieur dans le monde (Coulon et Paivandi, 2003 : 4).

En 2002, les principaux pays d’accueil des étudiants étrangers sont les États-Unis avec, en nombre absolu, 582 992 étudiants étrangers, le Royaume-Uni (227 273), l’Allemagne (219 039), l’Australie (179 619) et la France (165 437) (OCDE, 2004b : C3.7). Ainsi, 31% de l’effectif total des étudiants étrangers se dirigent vers les États-Unis, 12% vers le Royaume-Uni, 11,5% vers l’Allemagne, 9,5% vers l’Australie et 9% vers la France. À eux seuls, ces cinq pays rassemblent près de 73% des étudiants étrangers dans le monde. Cet ordre des principaux pays d’accueil des étudiants étrangers à l’échelle mondiale s’est légèrement modifié puisqu’en 1998, la France (11%) en accueillait davantage que l’Australie (8%) (OCDE, 2001 : 112). Il faut dire que ce dernier pays a connu une croissance considérable de sa population étudiante étrangère puisque celle-ci est passée de seulement 27 000 en 1993 à plus de 179 000 en 2002 (Coulon et Paivandi, 2003 : 9).

Toujours en 2002, les étudiants les plus mobiles sont d’origine asiatique (45% de l’ensemble des étudiants étrangers), suivis des Européens (30%, dont 18,6% proviennent d’un pays de l’Union européenne) et des Africains (11%) (OCDE, 2004b : C3.7). Au total, 38% de tous les étudiants étrangers en 2002 sont originaires d’un pays membre de l’OCDE (OCDE, 2004b : C3.7). Les disciplines les plus représentées par les étudiants étrangers sont les sciences sociales, le commerce et le droit d’une part, et les lettres, sciences humaines et arts, d’autre part (OCDE, 2004b : C3.5).

Notes
135.

Pour le recueil de certaines données, l’OCDE travaille conjointement avec d’autres organisations telles que l’UNESCO et EUROSTAT. Ce fut le cas en 2001 lors de la publication d’une section spéciale de Tendances des migrations internationales entièrement consacrée à la mobilité internationale des étudiants. Pour l’occasion, les données utilisées ont été celles du projet « Indicateurs des Systèmes d’enseignement (INES) » (OCDE, 2001 : 103).

136.

Comme la loi Pasqua de 1993 qui abolissait le droit à la nationalité des enfants qui sont nés et qui résident en sol français au profit d’une politique du volontariat.

137.

Dans Latreche (2001 : 14) d’après l’Annuaire statistique de l’UNESCO et de l’OCDE pour 1998.