Nous avons mentionné qu’il y avait environ 165 437 étudiants étrangers en France en 2002 138 . Si on tient compte de la période 1990-2001, le rythme de croissance de l’accueil des étudiants étrangers en France est d’environ 1,5%, leur nombre en valeur absolu ayant évolué de 131 700 en 1990 à 159 500 en 2001 (Coulon et Paivandi, 2003 : 4, 9-10). Ces nombres sont minimes, comme nous l’avons vu précédemment, par rapport au nombre de personnes en provenance du monde entier qui se rendent aux États-Unis afin de poursuivre des études (582 992 personnes). Cependant, si on tient compte de la proportion des étudiants étrangers par rapport à la population étudiante totale, la France acquière une meilleure position dans le palmarès des pays d’accueil des étudiants étrangers. En effet, ces derniers forment 10% de l’ensemble du corps étudiant français en 2002 139 , loin derrière des pays comme l’Australie (17,7%) et la Suisse (17,2%), mais loin devant des pays comme le Canada (2,8% en 1998) 140 , l’Espagne (2,5%) et les États-Unis (3,7%) (OCDE, 2004b : C3.1). Cette proportion a d’ailleurs crû de plus de 2% en 4 ans puisqu’en 1998, 7,7% de l’effectif total d’étudiants dans l’enseignement supérieur français étaient de nationalité étrangère.
Les principales régions de provenance des étudiants étrangers en France sont à peu près les mêmes depuis les 25 dernières années : alors que 48% d’entre eux proviennent du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie) et d’Afrique en 1975, cette proportion est de 56% en 1990 et de 51% en 2001. La proportion d’étudiants européens accueillis en France a pour sa part nettement augmentée puisqu’elle est passée de 20% en 1975 à 26% en 2001 (Coulon et Paivandi, 2003 : 13). Les étrangers qui viennent effectuer des études en France se répartissent à peu près également, en 2001, entre les trois pôles de formation suivants : 30% dans les domaines juridiques et économiques, 35% en lettres et sciences humaines et 30% dans les filières scientifiques et techniques. Cette répartition disciplinaire des étudiants étrangers en France n’a pas beaucoup changé depuis les vingt dernières années, sauf peut-être en ce qui a trait à la perte de popularité du domaine de la santé (10% d’inscrits en 2001 contre 20% en 1980) et aux gains des disciplines liées à l’économie (18% en 2001 contre 10% en 1980) (Coulon et Paivandi, 2003 : 17). Le plus intéressant toutefois est d’analyser le choix des secteurs d’études selon la région d’origine des étudiants : alors que les Nord-américains et les Européens étudient en majeure partie les disciplines des lettres et sciences humaines (respectivement 59% et 48%), les étudiants d’origine maghrébine s’orientent plutôt vers les filières techniques et scientifiques (43%) et les Africains vers l’économie, le droit et la gestion (41%) (Coulon et Paivandi, 2003 : 18). Cette répartition des disciplines d’études selon la région d’origine est étroitement liée à l’offre d’enseignement dans les pays de départ. Un étudiant américain est effectivement moins susceptible de venir en France afin d’y accomplir des études en sciences si les établissements d’enseignement aux États-Unis sont réputés être un pôle d’excellence en ce domaine. Enfin, un regard historique sur les niveaux d’études des étudiants étrangers en France permet de constater une diminution des inscrits en troisième cycle (37% en 1980 contre 31% en 2001) et une augmentation parallèle des inscrits en premier cycle (34% en 1980 et 36% en 2001) et en deuxième cycle (28% en 1980 et 33% en 2001) (Coulon et Paivandi, 2003 : 19). Il est fort plausible de trouver l’une des explications à ce fait dans l’accroissement des mobilités réalisées grâce à des programmes multilatéraux tels ERASMUS, lesquels s’adressent aux étudiants des premier et deuxième cycles.
En ce qui concerne la mobilité « sortante », c’est-à-dire le nombre total de Français qui partent étudier à l’étranger, les données disponibles sont un peu moins précises. D’une part, si de nombreux étudiants partent en séjour d’études à l’étranger dans le cadre d’un programme d’échange d’étudiants ou grâce à un programme de bourse de mobilité, une part importante d’entre eux choisit de partir à l’étranger sur son initiative personnelle. Ces étudiants autonomes échappent alors aux statistiques nationales récoltées lors des inscriptions universitaires et des programmes de mobilité internationale. Mais les données sont imprécises même en ce qui concerne les étudiants en échange institutionnel. En effet, la diversité des programmes d’échange existants (accords de coopération signés entre les établissements d’enseignement, ententes intergouvernementales, bourses de mobilité nationales, provinciales, régionales, institutionnelles, etc.) et le manque de centralisation des statistiques ainsi amassées font en sorte que toute tentative qui consiste à les additionner risque de conduire au recoupement des effectifs. Un même étudiant peut par exemple partir dans le cadre d’un programme multilatéral gouvernemental et bénéficier de deux bourses de mobilité différentes, l’une nationale et l’autre régionale, et ainsi faire partie de plusieurs fichiers statistiques. D’autre part, les Français qui partent étudier à l’étranger se dispersent dans un grand nombre de pays et dans une centaine d’établissements d’enseignement, si bien qu’il devient impossible de tous les répertorier (CNDMIE, 2004 : 10). Et même si c’était le cas, certains gouvernements, dans leur méthode de collecte, classifient les Français dans des catégories générales telles que « autres nationalités », ce qui ne permet pas de les distinguer des ressortissants des autres pays (Verquin, 1995 : 194).
Cela dit, et même s’il faut interpréter ces données avec prudence, les statistiques de l’OCDE fournissent un éclairage de la mobilité étudiante sortante en France. En 2002, l’organisme dénombre 50 593 étudiants français inscrits dans un établissement à l’étranger avec pour principale destination le Royaume-Uni (12 135), la Belgique (11 509), l’Allemagne (6625) et les États-Unis (7401) (OCDE, 2004b : C3.7). En termes proportionnels, 2,5% de l’effectif total des étudiants français sont, en 2002, scolarisés à l’étranger 141 . Ce pourcentage illustre la faiblesse de la mobilité des étudiants français comparativement à celle des étudiants luxembourgeois (204,8%) 142 , islandais (25,4%) et grecs (9,5%) – les trois pays qui ont la proportion d’étudiants scolarisés à l’étranger la plus élevée – mais supérieure à celle des étudiants états-uniens (0,2%), australiens (0,5%) et mexicains (0,9%) – les trois pays qui ont les taux de mobilité de leurs étudiants nationaux les plus faibles par rapport à l’ensemble de leur population étudiante (OCDE, 2004b : C3.1).
Au niveau européen, les données fournies par ERASMUS montrent qu’entre 1987, année de la création du programme, et 2002, 1 090 560 étudiants ont réalisé une mobilité académique européenne (Commission européenne, 2004). La majorité de ces étudiants proviennent de France (174 744 étudiants, soit 16% du total). Les autres pays dont les étudiants ont le plus participé au programme ERASMUS depuis ses débuts sont l’Allemagne (172 554), l’Espagne (149 784), le Royaume-Uni (128 109) et l’Italie (123 641). Les effectifs d’étudiants français qui partent dans un autre pays européen dans le cadre du programme ERASMUS ont augmenté de manière substantielle, passant de 895 étudiants en 1987 à 14 821 dix ans plus tard (1997), puis à 19 365 en 2002 (Commission européenne, 2004). Les disciplines qui voient le plus grand nombre d’étudiants français partir dans un autre pays d’Europe en 2002-2003 sont, dans l’ordre, les études de commerce (6097), les langues et philologies (3396), l’ingénierie et les technologies (2676), les sciences sociales (1564) et les études de droit (1348) (Commission européenne, 2004).
Inversement, la Commission européenne (2004) fait état de 18 833 étudiants étrangers ayant choisi la France comme destination dans le cadre du programme ERASMUS en 2002, soit une proportion de 15%. Elle arrive en deuxième position des destinations privilégiées, la première étant l’Espagne avec l’accueil de 17% des étudiants ERASMUS, ces deux pays étant ensuite suivis par le Royaume-Uni (13,7%) et l’Allemagne (13%). En fait, des changements quant aux destinations préférées des étudiants ERASMUS semblent être survenus depuis quelques années puisqu’en 1996, le Royaume-Uni arrivait au premier rang avec 36% de tous les étudiants ERASMUS, suivi de l’Allemagne avec 20% et de la France avec 13% (West et Dimitropoulos, 2003 : 19).
Le Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants (CNDMIE, 2004) note que le nombre absolu d’étudiant français poursuivant des études à l’étranger est inférieur au nombre d’étudiants étrangers accueillis sur son territoire puisque le rapport de ces deux populations est de 1 à 4. En plus de cette différence quantitative, qui traduit sans doute une certaine attractivité de la France chez les étudiants de l’étranger, le CNDMIE (2004 : 11) note des différences qualitatives : alors que les étudiants français qui sortent de leur pays se dirigent principalement vers des pays développés, la majeure partie des étudiants étrangers qui entre en France provient d’un pays en développement 143 . En effet, en 2002, 53,3% des étudiants étrangers en France proviennent d’Afrique tandis que 25,6% sont originaires d’un pays européen et 3,5% d’Amérique du Nord (OCDE, 2004b : C3.2). Cela n’est certainement pas étranger aux liens historiques établis entre la France et ses anciennes colonies ni à son rôle de pilier au sein de la francophonie internationale. De plus, la majeure partie des étudiants en mobilité entrante en France organise son séjour individuellement, contrairement aux étudiants français en mobilité sortante, lesquels partent le plus souvent grâce à des dispositifs institutionnels de mobilité étudiante (CNDMIE, 2004 : 12).
Au Québec, le programme de bourses de mobilité mis sur pied en 2000 et la Stratégie d’internationalisation de l’éducation québécoise lancée en 2002 ont des retombées récentes qui donnent à voir une augmentation des flux de mobilité étudiante : les Québécois sont de plus en plus nombreux à partir étudier à l’étranger, et les lieux de destination choisis tendent à se diversifier.
Le CNDMIE (2004 : 10) avance pour sa part le nombre de 221 567.
Coulon et Paivandi (2003 : 4) disent 11,5% en 2001.
Les données concernant le Canada ne sont pas disponibles pour l’année 2002 (OCDE, 2004b).
Nous devrions plutôt dire : dans d’autres pays ayant déclaré la présence d’étudiants étrangers sur leur territoire.
Le cas du Luxembourg est particulier car les étudiants doivent se déplacer à l’étranger s’ils veulent poursuivre des études supérieures (OCDE, 2003 : 306).
Cela dit, nous rappelons que selon Slama (1999), une tendance à la sélection des étudiants étrangers s’est développée en France, celle-ci privilégiant les ressortissants européens au détriment des étudiants originaires des pays du Sud, et notamment ceux d’Afrique francophone.