5.3.1. Une notion trouble

C’est en nous arrêtant sur les termes utilisés que nous avons très vite été frappée par les formulations de ce qui était décrit. Lorsque dans les diverses recherches les chercheurs analysent les cas de sujets présentant des déficiences cognitives particulières, ils parlent de troubles de contenants de pensée (B. Gibello, 1984) et de troubles de la représentation de soi (R. Cahn, 1972 et M. Berger, 1996). En général, le terme trouble est utilisé, par les auteurs, pour qualifier ces dysfonctionnements. L’emploi de ce terme, jamais précisément défini, révèle selon nous un vide théorique. En formulant les choses de cette manière abstraction est faite de penser précisément à ce que sous-tendent ces troubles. En effet, rien n’est plus vague que cette notion de trouble. Elle contient l’idée de flou, de non limpide, mais aussi de désordre, de confusion, de dysfonctionnement et de perturbation. Cependant, il est important de relever qu’elle suggère simultanément une altération mais aussi implique une formation minime. Elle suppose que le sujet est à la fois en mesure et non, d’utiliser adéquatement une fonction, et donc implicitement qu’une structuration même infime, s’est organisée.

Seul B. Gibello (1994 b) avance implicitement que la notion de trouble signifie une inorganisation, et que parallèlement à des contenants non constitués, il y en a qui le sont. Mais, il ne précise pas lesquels et surtout comment ces contenants ont pu se structurer. Parler de troubles de la représentation de soi, comme le fait M. Berger (1996), suppose nécessairement un minimum de représentations de soi. Parler encore au sens plus large de troubles cognitifs comme le font la plupart des auteurs étudiant ce syndrome, supposent ici encore une constitution défaillante mais non inexistante. Cette notion implique donc inévitablement un questionnement sur ces constitutions.

Il paraît évident que de tels sujets ont pu, à un moment ou à un autre, avoir une relation adéquate avec une mère, avec un père ou avec un ou même plusieurs substituts. De ces relations ponctuelles le sujet a, de façon perturbée, pu psychiquement se construire, un minimum de représentation de soi, et un minimum de contenants de pensée. Si ces hypothèses sont de nombreuses fois implicitement évoquées par les auteurs, elles sont cependant rarement développées. Etant incontestable que le trouble d’une fonction suppose un minimum de formation de cette fonction, il est primordial de nous poser la question des processus permettant ces constitutions, certes minimes, mais sans conteste ponctuellement et localement adéquates.

Que masque au final cette notion de trouble ? Pour certains auteurs la présence de décalages et de fonctions troublées signifient que le sujet présente des états fixes et immuables. Pour d’autres au contraire ces éléments signifient qu’il y a une évolutivité des compétences et des défaillances présentées par le sujet.