5.3.2. Ces défaillances cognitives sont-elles irrémédiablement figées ?

Pour R. Mises (à partir de 1963), ces déficiences sont évolutives. Il les nomme dysharmonies évolutives. Cette évolutivité de la pathologie montre parfaitement que quelque chose bouge, évolue au sens propre. En dehors d’un travail thérapeutique, le sujet risque alors de s’engager dans un processus de « débilisation » (A. Ferrant, 1999) jusqu’à ce qu’il entre dans une certaine stabilité finale où on le qualifiera alors de débile mentale. Les fonctions ne sont alors plus troublées au sens où l’emploient les auteurs, mais deviennent totalement inopérantes.

Si B. Gibello insiste dans ses écrits sur le dynamisme des contenants de pensée lors de leurs constitutions, chez tout sujet normal, il ne renseigne pas sur la butée dans le temps de ce dynamisme. Sa théorie laisse toutefois entendre qu’à une certaine période, lorsque les contenants sont constitués, ils demeurent dans leurs constitutions générales fixes et immuables. Cependant nous ne savons pas à partir de quelle période les contenants se stabilisent. A l’inverse, Bernard Gibello avance que dans le cas de sujets dysharmoniques les attitudes sont figées. Selon lui les contenants de pensée demeurent fixes chez eux. Ainsi, les dysharmonies cognitives pathologiques sont stéréotypées,

‘« caractérisées par la restriction des idées et de leurs associations, ainsi que par le manque d'originalité du sujet. » (B. Gibello, 1994, p. 13) ’

Ainsi, les anomalies des contenants de pensée seraient des plus monotones. Parallèlement, B. Gibello précise que les contenants non constitués ne peuvent jamais enclencher à nouveau un processus d’organisation et qu’il ne sera donc pas possible de remédier à ces défaillances si ce n’est au cours d’un travail thérapeutique. Les sujets demeurent donc en carence de contenants. B. Gibello pense en outre, qu’il est illusoire de voir chez eux une richesse de la pensée. Celle-ci ne sera ainsi jamais productive.

Chez les sujets touchés par le syndrome d’échec scolaire électif que nous avons rencontrés, nous avons pour notre part constaté que ce syndrome se présente rarement sous la même forme d'un sujet à l'autre. D’un groupe de sujets en échec scolaire électif il est difficile et même impossible de trouver deux sujets ayant strictement les mêmes comportements ou tout du moins les mêmes déficiences scolaires. Le sujet lui-même est de plus, loin de manquer d'originalité. Il est par exemple, très impressionnant de voir, malgré des difficultés importantes, qu’il est capable d’user d'astuces faisant appel au corps afin de compenser certaines défaillances. Ce que M. Sami Ali appelle le surmoi corporel (1990) agit comme une intelligence parallèle qui permet au sujet de s’adapter à diverses situations. Le sujet prend par exemple, pour repère sa taille pour déterminer la longueur d’une pièce. De plus, les comportements ou les capacités que les enfants et les adolescents atteints de ce syndrome présentent à un moment ou à un autre, de par l’existence même de décalages, ne sont jamais identiques à ce qu’ils étaient. Il suffit d'être en contact avec de tels sujets, pour constater qu'au-delà de ce qui se répète de façon compulsive, leurs manières d'être fascinent et interrogent notre entendement.

Que cache cette monotonie apparente ? Ces réflexions amènent à poser l’essentielle question de ce que cela implique dans le fonctionnement et l’organisation psychiques de tels sujets. Ce troisième point de butée, suite logique de notre réflexion, a attiré toute notre attention. Fonctionnement et organisation psychiques sont selon nous, directement liés à la présence de décalages ainsi qu’à l’incertitude entourant la notion de trouble. Les déséquilibres reflètent une organisation particulière du psychisme. Nous sommes très certainement en présence d’un fonctionnement insolite de la psyché.

Penchons-nous donc à présent sur la présentation chez les chercheurs de ce domaine de l’organisation et du fonctionnement psychiques de tels cas.