2.1.3.2. Processus progrédients et processus régrédients.

Ces sujets mettent en évidence un processus psychique particulier comportant un "aller-retour". Le processus progrédient, correspond au parcours psychique normal qu’effectue un enfant au cours de son développement. Il est ici forcé, puisqu’il n’a pas pu, au moment opportun, aboutir à l’étape normale suivante, c’est-à-dire passer de l’indifférenciation à la différenciation sujet-objet. Ce processus est ensuite inversé. Il y a alors régression.

‘« Dans un processus psychique comportant un sens de parcours ou de développement, on désigne par régression retour en sens inverse à partir d’un point déjà atteint jusqu’à un point situé avant lui. » (J. Laplanche et J.-B. Pontalis, 1967, p. 400)’

La régression chez ces sujets se comprend dans son sens temporel et suppose donc une succession dans le temps caractérisée par le retour à des stades où sont reprises des organisations psychiques antérieures ; et dans son sens formel, où elle désigne le retour à des modes de comportements de niveau moindre en complexité, en structuration et en différenciation. Si S. Freud a peu parlé de la régression formelle, là où il décrit qu’il y a retour du processus secondaire au processus primaire peut être considéré comme une régression formelle et l’inverse comme une progression formelle.

Nous avons vu que le clivage du moi fait passer du déni à la reconnaissance. Le fonctionnement psychique en va-et-vient des sujets en échec scolaire électif est caractérisé par ces progressions et ces régressions formelles et temporelles, menant du déni à la reconnaissance propres au clivage. Parfois, ils fonctionnent selon les lois du processus primaire et d'autres fois ils fonctionnent selon des modalités du processus secondaire. Ceci explique pourquoi leurs attitudes sont si changeantes et pourquoi ils donnent cette apparence de contradiction, de mauvaise volonté et de paradoxalité.

Ainsi, ce fonctionnement semble les "emprisonner" et les "contraindre" à certaines attitudes. C'est comme s’ils "se noyaient" dans un processus qui ne leur convient pas. Souvent dans nos entretiens, Jérémy parlera d’une scène du film Titanic qui l'a profondément touché : celle où le héros coule au fond de l'océan. Il dira pleurer chaque fois en revoyant cette scène. L'image de la noyade, couler et ne plus remonter, est pour lui très angoissante et insupportable. Nous avons vu aussi toute l’impossibilité qu’éprouvait Éric pour représenter une ascension dans son dessin et comment il a été contraint de représenter un feu de croisement témoignant ainsi du besoin d’arrêter la chute dans cet abîme. Pour Thomas l’avion qui tombe dans la forêt est aussi significatif. Pour Alicia encore c’est une chute de la balançoire qui va sans doute symboliser cette descente.

Le processus progrédient est donc le processus normal de tout sujet en rapport avec un cadre suffisamment stable et malléable. Il permet au sujet de dépasser l’état d’indifférenciation caractéristique du narcissisme primaire afin d’accéder à l’aire intermédiaire. Lorsque ce processus se déroule bien le sujet accède à la différenciation psychique. Il devient sujet à part entière différencié de l’objet. Dans la vie du sujet "normal" ce processus permet d’atteindre une maturité psychique de plus en plus importante. Dans les cas de sujets en échec scolaire électif ce processus donne au sujet l’impression que tout est possible comme s’il avait atteint la phase de différenciation sujet/objet. Comme nous l’avons vu en traitant du clivage, c’est l’impact de la réalité extérieure qui aboutit à la reconnaissance. C’est pourquoi il y aura réduction progressive du clivage allant de pair avec une inversion du processus. C’est cet impact du réel qui mène à une chute de l’illusion et ainsi à une réduction du clivage. Du déni, un processus psychique fait passé le sujet à la reconnaissance. De progrédient, le processus devient alors régrédient3. Nous verrons par la suite que plusieurs éléments concourent à cette régression. Voyons à présent qu’elle est le risque encouru par la psyché.