2.2.2. UNE PENSEE PLUS PERCEPTIVE QUE REPRESENTATIVE

2.2.2.1. Le jeu de coucou ou se représenter l’objet en son absence.

Comme nous l’avons vu précédemment la représentation de l’objet n’a pas été possible pour les sujets en échec scolaire électif. Le processus ne s’est pas adéquatement déroulé entre la mère et le bébé. Ainsi, l’objet insuffisamment "bon" au sens winnicottien (D.W. Winnicott, 1960) et le milieu insuffisamment stable et malléable (R. Roussillon, 1985), n’ont pas permis la représentation de l’objet maternel.

Maurice Berger (1997) explique qu’il y a trois façons de se relier à l’autre : On le perçoit physiquement, on se le représente ou on l’hallucine. Au début de la vie, le bébé perçoit l’autre avec tous ses sens, puis il garde l’image de la personne absente. A la seconde étape il peut penser à l’autre hors de sa présence et donc se le représenter à l’esprit. Ainsi,

‘« percevoir et se représenter sont incompatibles simultanément. » (M. Berger, 1997, p. 15)’

Lorsque les sujets en échec scolaire électif ne sont pas physiquement près de l’objet c’est tout un système particulier qui est alors en place. D.W. Winnicott (cité par M. Davis et D. Wallbridge, 1992) explique que, du point de vue de la perception, il y a une relation entre la destruction et la permanence. Fermer les yeux pour le bébé, c’est détruire le monde que l’on saisissait par la vision. Si après avoir ouvert les yeux le monde est identique à ce qu’il était, alors cela permet la permanence des objets et en premier lieu, celui de l’objet maternel. Mais lorsque ces sujets étant bébé ont fermé les yeux l’objet a très probablement disparu (ou était psychiquement absent). Du coup la permanence de l’objet et sa représentation ont été impossible. Dans le présent lorsque ces sujets s’éloignent de l’objet ils revivent cela comme une disparition récurrente de l’objet. On peut même dire que l’objet n’existe plus pour eux. Ce fait conduit le sujet à éviter la séparation d’avec l’objet, de rester toujours en éveil, de le surveiller et de ne pas le lâcher des yeux. Nous avons largement mis en évidence cette particularité à l’analyse des W.I.S.C..

C’est pourquoi certains sujets rejouent au jeu de coucou avec moi. Ce jeu de présence-absence à partir du regard et du visage de l’autre confirme la problématique archaïque, où le sujet remet en scène quelque chose d’irreprésentable (R. Roussillon, 1999 c). Toutefois comme nous l’avons vu, il y a un risque. L’objet peut partir lorsque l’enfant ferme les yeux. André dira qu'il joue à « coucoupable » exprimant une culpabilité d’avoir fait disparaître l’objet et/ou d’avoir coupé le lien avec lui. Jérémy aussi montre combien cette étape qu’il rejoue avec moi par retournement a été défaillante. Il exprimera souvent la volonté de me surprendre reliée au thème du visuel : se cacher derrière des lunettes ou derrière un mur, puis être vu, c’est la surprise ! Pour que tout se passe bien, le jeu implique que, lorsque l’enfant réapparaît c’est la surprise pour l’objet qui doit être présent et égal à lui-même, ce qui va permettre sa permanence (D.W. Winnicott, 1971). Pour Mélissa l’utilisation abondante des verbes « regarder », « se cacher » ou « voir », montre qu’elle réexpérimente elle aussi le jeu de coucou qui a dû échouer par le passé. Thomas encore, ne peut se représenter l’objet en son absence. C’est pourquoi il sort de la salle et joue à cache-cache avec moi. Ce jeu de présence-absence montre qu’il rejoue ce processus capital, défaillant durant la petite enfance, car l’objet a certainement réellement disparu.

Si l’objet risque à tout moment de disparaître, qu’elle est l’alternative pour le sujet ?