2.2.3. Le risque de penser aux apprentissages

2.2.3.1. Investir la nouveauté

C’est ainsi que les sujets en échec scolaire électif sont dans l’obligation de penser continuellement à l’objet maternel. Ces sujets ressentent inconsciemment que de penser à autre chose va leur faire oublier l’image de la mère. La crainte d’être de nouveau abandonné, mise en évidence au W.I.S.C., se caractérise par une peur de la nouveauté. Celle-ci est flagrante chez Mélissa dans ses réactions angoissées. En outre l’item Code sera toujours échoué pour ceux qui ont déjà vécu l’abandon physique ou même psychique. Nous rapprochons cette appréhension de l'angoisse du 8ème mois (R.Spitz, 1968). L'altérité et la nouveauté mettent en branle l'unité mère-enfant, déjà fragile. Le risque de perdre de nouveau la mère est alors accentué. Pour le sujet investir la nouveauté c’est écarter de son esprit l’image de l’objet. Et écarter cette image c’est risquer de la perdre puisqu’elle n’est pas internalisée. Alors le sujet la maintient continuellement à l’esprit. Cette image va prendre toute la place de la pensée et du coup aucun apprentissage n’est possible.

Lors des entretiens, cette crainte particulière sera souvent évoquée. Mélissa dira toute la difficulté à penser à autre chose en dehors de penser à sa mère. Lorsque je lui demanderai ce qu'elle fait lorsqu'elle ne pense pas à elle, elle dira pouvoir investir les apprentissages, mais elle dira aussi, à un autre moment : « Ch'ais pas » attestant de son incapacité à penser si l’objet n’est pas continuellement présent à l’esprit. La réponse est presque identique avec Nadine qui, à ma question au cours d’un entretien où le délire prenait une trop grande place : « A quoi penses-tu quand tu ne penses pas à maman ? » répondra : « Je pense à rien » Puis elle ajoutera : « Quand je pense trop à maman… Je pense très fort, j'arrive pas à travailler. » Jérémy confiera : « J'oublie des fois, en oubliant j'arrive à travailler » Au cours du W.I.S.C. Lauric dira avec fermeté : « Quand y sont plus là (les parents), si on les revoit plus, on les oublie » Laëtitia précisera qu’elle pense beaucoup à sa mère, mais prétendra que ça ne l’empêche pas de travailler. Elle aimerait se convaincre que sa mère est presque le moteur de sa pensée. Mais très vite, elle admettra qu’il y des moments où elle s’efforce de ne pas penser à sa maman car si elle pense à sa mère, elle ne peut pas se concentrer. Alicia quant à elle dit s’inquiéter pour sa mère, penser toujours à elle et ressentir le vide de son absence.

Tout ceci atteste chez les sujets d’une pensée en permanence focalisée sur l’objet, ce qui empêche presque continuellement les apprentissages. La pensée permanente sur l’objet nuit à la réflexion et l’assimilation. Ainsi, il devient difficile d’investir les apprentissages lorsque l’esprit est continuellement occupé par l’objet.

Que se passe-t-il exactement au niveau de la psyché du sujet ?