2.2.3.2. Capacité d’être seul, Fonction d’effacement et apprentissages

Cette peur qu’éprouvent les sujets de perdre l’objet est à mettre en lien avec la capacité d’être seul (D.W. Winnicott, 1958). Cette aptitude témoigne de la maturité du développement affectif du sujet.

« Si elle est insuffisante, son développement s’en trouve arrêté : il s’agit de l’expérience d’être seul, en tant que nourrisson et petit enfant, en présence de la mère. […] La capacité d’être seul est basée sur l’expérience d’être seul en présence de quelqu’un. » (D.W. Winnicott, 1958, p. 327-330)

Cela implique que le sujet ait été capable antérieurement d’élaborer un monde interne et de retrouver un monde intermédiaire en l’absence de l’objet. Cela n’est possible que si l’objet, extérieur au départ, est introjecté et représenté. Il doit y avoir dans la psyché l’existence d’un bon objet intériorisé.

Nous avons vu que le processus d’introjection a été défaillant chez les sujets en échec scolaire électif. Ils n’ont donc pu créer une représentation de l’objet interne.

‘« Le bon sein ou le bon pénis intériorisés, ou les bonnes relations intériorisées, sont suffisamment bien établis et défendus pour que l’individu ait confiance (du moins pour le moment) dans le présent et dans l’avenir. La relation de l’individu avec ses objets internes, qui va de pair avec une confiance dans les relations internes, fournit à elle seule assez pour vivre, de sorte que temporairement, il est capable d’être heureux, même en l’absence d’objets et de stimulations externes. » (D.W. Winnicott, 1958, p. 328)’

Faute d’avoir intériorisé un bon objet, investir un nouvel objet ferait, pour le sujet en échec scolaire électif, disparaître la trace de l'objet présent continuellement à l'esprit.

Cette défaillance génère la difficulté à assimiler des connaissance car le sujet en échec scolaire électif ne peut garder à l’esprit toutes ses idées ensemble.

‘« L’appareil psychique doit […] simultanément se vider pour percevoir et se remplir pour se souvenir. » (M. Berger, 1996, p. 47)’

De tels sujets ne peuvent stocker leurs connaissances dans le préconscient, ce qui permettrait d’en assimiler d’autres. Car comme nous l’avons vu avec S. Freud, lorsque les traces mnésiques restent conscientes, elles limitent la capacité du système à recevoir de nouvelles excitations (S. Freud, 1920). Ce mouvement perpétuel, nécessaire au bon développement intellectuel de l’enfant est perturbé chez les sujets en échec scolaire électif car la psyché ne peut se vider régulièrement et rendre ainsi possible de nouvelles assimilations. Ainsi, cette activité essentielle aux apprentissages, que M. Sami Ali (1984) nomme la fonction d’effacement, est grandement défaillante. Les anciennes connaissances passent très difficilement dans le préconscient, pour laisser la place libre au niveau du conscient, afin que de nouvelles acquisitions puissent s’inscrire. Le processus est bloqué car la pensée est continuellement tiraillée entre la nécessité d’un bon fonctionnement de la fonction d’effacement pour progresser dans le scolaire et la crainte d’oublier l’objet qui n’a pu être intériorisé.