2.3.1.1. L’altération du processus de projection

Dès 1895 S. Freud parlera du processus de projection. L’attention du bébé est primitivement tournée vers l’extérieur cependant que la séparation entre le "dedans" et le "dehors " n’est pas accomplie. La projection étant étymologiquement l’acte de l’acte de lancer en avant, elle va donc accroître l’écart qui s’interpose entre le sujet et l’objet. Elle va permettre la constitution de l’espace et des objets par le truchement du corps. Le corps est donc un « pouvoir originel de projection » (M. Sami Ali, 1970). Si tout se passe bien, le processus projection-introjection, lors des relations fantasmatiques mère-enfant crée un "dehors" où les objets sont des extensions ou des images du corps dans le monde extérieur.

Alors qu’ils auraient dû sortir de la relation fusionnelle vers 3 mois, âge de la première mise à distance entre la mère et l’enfant, les sujets en échec scolaire électif sont restés dans une sorte d’identification adhésive (Esther Bick, 1968) à la mère. Ainsi, ils ont été maintenus dans l’inclusion réciproque. Comment s’est alors déroulé le mécanisme d’identification projective ?

Dans l’inclusion réciproque, l’espace étant conçu de telle façon que le "dedans" est aussi le "dehors" et que le "contenant" est aussi le "contenu", le monde est donc vécu par les sujets en échec scolaire électif, dans le corps et le corps dans le monde. Le problème se pose donc en terme de structuration spatiale. Les sujets ont été en général maintenus dans une organisation topologique bidimensionnelle. Il y a eu échec d’une mise à distance sujet-objet au niveau imaginaire, niant ainsi la distance réelle qui séparait le sujet de la mère. La dimension de l’espace n’a donc pas été vécu comme ayant une distance. Seule le processus de projection permet d’établir cet écart. La projection s’effectuant à partir du corps et s’employant à créer une distance a été presque totalement mise en échec. Dans cet espace particulier il y a eu impossibilité au moment opportun, de séparer le sujet de l’objet, la projection devant continuellement mettre à distance un objet double du sujet, dans un espace où la distance ne peut exister. Un processus de projection adéquat aurait permis au sujet de sortir de l’inclusion réciproque. Ainsi, presque en permanence le "dedans" demeure-t-il au présent, le "dehors", le "contenant", le "contenu" chez les sujets en échec scolaire électif.

Le processus régrédient fait revivre au sujet ces relations d’inclusion réciproque en passant d’un espace faiblement tridimensionnelle à une organisation bidimensionnelle. C’est alors que se perd la distance à laquelle l’objet a été maintenu un moment. Nous ne pouvons pas dire qu’il n’y a pas eu pour les sujets en échec scolaire électif de phénomènes projectifs mais, certainement des phénomènes projectifs particuliers ou tout du moins minimes. Dans ces moments régressifs il y a comme un collage sujet-objet engendrant l’évanescence des limites. Nul doute alors d’une défaillance du Moi-peau (D. Anzieu, 1985) et par extension du moi, car les limites de l’image du corps présentent des analogies avec les frontières du moi.

‘« Le moi est avant tout un moi corporel, il n’est pas seulement un être de surface, mais il est lui-même la projection d’une surface. » (S. Freud, 1923, p. 238) ’