2.3.2. Conséquences de l’inclusion réciproque

2.3.2.1. Le retour du passé dans le corps du sujet

Nous avons noté ces défaillances de l’utilisation du corps chez tous les sujets. Nous avons d’ailleurs répertorié ces difficultés dans la grille d’observation. Ils semblent ne pas savoir utiliser leur corps adéquatement. Hormis Mélissa à l’étape 2 de son discours, aucun sujet ne peut représenter un corps opaque ayant tous ses membres et bien proportionné. Amin ne peut représenter de bras. Jérémy se représente en fourmi. Mélissa représente un corps tordu à la première étape de l’entretien. Chez Laëtitia les corps sont vides. Thomas encore et même Éric parlent de personnages qu’ils ne représentent pas. En outre, nous avons constaté que les représentations sont toujours sans relief.

Le schéma corporel est une représentation unifiée du corps, acquise par l’expérience répétée des sensations élémentaires. Il est une structure établie précocement (vers 25 mois) inscrite dans un cadre fictif de l’usage possible du corps en mouvement. Une bonne connaissance du schéma corporel permet de localiser dans le corps des sensations coutumières. Il est un médiateur organisé entre le sujet et le monde qui l’environne (F.Dolto, 1984). Invariable après l’âge de 6 ans, le schéma corporel est objectif et commun à l’espèce. Chez les sujets en échec scolaire électif l’utilisation fonctionnelle du corps est entravée. La plupart des auteurs parlent alors de « trouble de l’image du corps » Autrement dit le schéma corporel en tant que structure du corps projeté dans l’espace par le mouvement et les sensations peut donner lieu à de multiples anomalies où se trahissent des singularités. C’est l’histoire du sujet qui les inflige à cette structure abstraite. L’image du corps, différente d’un individu à un autre puisque se constituant par rapport à l’histoire personnelle, lorsqu’elle est touchée devient inadaptée. Elle remonte aux vécus les plus archaïques, aux premières relations mère-enfant de chacun. L’image du corps est une construction inconsciente, essentielle pour amorcer tout mouvement (P. Schilder, 1968). Ses déficiences sont ainsi mises en évidence lors d’actions motrices. C’est ainsi qu’elle rend compte de la faculté d’utiliser son schéma corporel de façon adéquate ou non. Les défaillances de l’image du corps, que nous avons notées chez les sujets en échec scolaire électif ont donc un sens et une origine liés au vécu propre de chaque sujet. Cette image du corps est donc une image du passé qui s’actualise dans le présent. Lorsque tout se passe bien, le corps se projette librement pour créer une totalité imaginaire où le sujet peut se reconnaître. Ainsi, précise M. Sami Ali :

‘« Le corps imaginaire n’est pas seulement l’image projetée sur une surface, il est aussi la surface que révèle un moment crucial d’une histoire énigmatique. Et, il coïncide parfaitement avec la série inachevée de ses apparences qui se nomment images du corps. » (M. Sami Ali, 1977, p. 87)’

Les actes psychomoteurs non réussis, des sujets en échec scolaire électif, entrent dans la catégorie des actes qui n’ont pas eu de réponse à un moment de la vie des sujets. D’où le constat chez eux, de répétitions inlassables et maladroites des mêmes gestes qui ne correspondent pas à ce qu’il est nécessaire de faire, sans qu’ils ne soient jamais réussis. C’est comme si le sujet avait des gestes de bébé dans un corps de grand. Ce sont des mouvements des premiers mois de la vie qui n’ont pas eu de réponse de l’environnement au moment opportun, ce qui n’a pas permis au sujet d’organiser certains secteurs de sa pensée et de se représenter ces gestes. Par ces actes, le sujet cherche à vivre des expériences relationnelles restées en latence d’actualisation. Dans ces situations le moi est débordé par l’acte, et réalise qu’il n’arrive pas à se le représenter d’où la colère, l’embarras ou alors la honte du sujet. Ainsi lorsque nous verrons les sujets répéter les mêmes gestes alors que la consigne semblait comprise nous ne comprendrons d’abord pas que l’acte qui se répète est en fait en quête d’un contenant qui sera contenant par la représentation qu’il fournira au sujet. C’est ainsi que les contenants défaillants du passé ressurgissent comme une sorte de retour du refoulé.