2.3.2.3. La nécessité d’un médium-malléable

2.3.2.3.1. Médium-malléable, emprise et agressivité

Nous avons constaté et ceci dès notre arrivée dans les centres où nous avons effectué nos recherches, la grande agressivité des sujets. Ce comportement presque continuellement querelleur ne vise pas moins qu’à faire éclater la relation d’inclusion réciproque qui lie le sujet à l’objet. Il aurait fallu précocement que les sujets puissent exercer leur emprise sur les objets et les personnes de leur environnement afin de les transformer.

‘« Le tout jeune enfant doit pouvoir exercer son emprise sur son entourage, en le forçant par ses cris ou ses mimiques. Il doit, corrélativement, être lui-même suffisamment objet de l’emprise de ce même entourage, c’est-à-dire porté, manipulé déplacé au gré du plaisir de l’autre et à la mesure de ses propres besoins, plaisir alors partagé dans ce mouvement d’emprises croisées vectrices de satisfactions. Au sein de ces mouvements nécessaires à l’élaboration d’une vie subjective et objectale suffisamment souple. » (A. Ferrant, 2001, p. 107)’

Tout ceci ne vise pas moins qu’à créer du lien entre le sujet et l’objet. La constitution du lien impliquant nécessairement une part d’emprise (A. Ferrant, 2001).

Le concept de médium-malléable développé par René Roussillon (1985) nous permet de mieux saisir les soubassements de la constitution de ce lien.

‘« Pour que l’enfant puisse modifier très progressivement les relations de symétrie et d’inclusion réciproque qui lient son corps à celui d’autrui il faut qu’il rencontre une réalité malléable.» (M.Berger, 1986, p. 68)’

Cet éclatement du système via une expérimentation adéquate du médium-malléable n’est ainsi possible que si l’objet est malléable, c’est-à-dire s’il résiste aux attaques du sujet sans s’effondrer mais aussi en ayant une réponse à ces attaques ni trop ferme ni trop molle. R. Roussillon utilise le modèle du médium-malléable, qu’il emprunte à M.Milner (1950, in R. Roussillon, 1985), pour comprendre ces fonctionnements. Le médium-malléable, dont la pâte à modeler donne une idée, est définit par les caractéristiques suivantes :

‘« Indestructibilité, extrême sensibilité, indéfinie transformation, inconditionnelle disponibilité et animation propre. » (R.Roussillon, 1991, p. 137)’

Cette expérience, défaillante chez les sujets en échec scolaire électif, est très important car elle est génératrice de nombreuses difficultés à venir. De tels sujets n’ont pu expérimenter le monde de cette façon ou si peu. Il n’en demeure pas moins que la volonté de le faire est continuellement présente sous forme de combativité. J. Bergeret parle plus exactement ici de violence fondamentale (1984). Selon J.Bergeret :

‘« l’enfant va conserver cette violence non liée et flottante en lui, sans ancrage objectal suffisant et on verra se présenter une solution dépressive. » (J. Bergeret, 1984, p. 237) ’

La plupart des relations que de tels sujets ont avec l’autre sont empreintes de cette violence, par laquelle le sujet tente de rejouer le processus permettant l’acquisition de la représentation en général et de la représentation de l’objet en particulier. Nous verrons qu’en effet cet échec va mener à un état dépressif du sujet.