3. Modèle théorique du fonctionnement psychique des sujets en échec scolaire électif

Notre réflexion, utilisant pour base les grandes lignes dégagées au cours de notre recherche et le retour partiel aux hypothèses exposées au début de cette étude, nous a permis d’arriver à donner sens à l’ensemble de notre travail et donc à un certain nombre de facettes non-élucidées de nos hypothèses. Notre travail théorico-clinique d’analyses durant plusieurs années a ainsi permis de constituer un modèle théorique de pensée utile à la compréhension du syndrome d’échec scolaire électif.

De nombreux éléments, profondément analysés dans les recherches de la plupart des auteurs sur ce sujet sont incontestables. Voyons par exemple comment R. Mises en 20034 décrit les paramètres qui se relient à des retards et des dysharmonies dans le développement des fonctions cognitives et instrumentales :

« L’enfant se montre porteur d’un manque de sécurité et de fiabilité internes qui compromet de façon durable la régulation de l’estime de soi. Ces défaillances le confrontent à une image de soi inacceptable, elles suscitent des tentatives de déni contre ces représentations et contre les sentiments dépressifs qui s’y relient ; se développent alors des affirmations de toute-puissance, d’autosuffisance qui peuvent mener jusqu’au refus de se soumettre

aux exigences de la réalité, notamment dans le registre scolaire. S’y articule l’incapacité de construire des idéaux qui laissent une marge suffisante de liberté ; l’enfant se fixe des objectifs inatteignables, mégalomaniaques, d’où résultent des échecs qui sont chaque fois, à l’origine d’une reviviscence des blessures narcissiques. En dépit de la gravité de ces aspects psychopathologique, il faut souligner la présence constante d’"ouvertures de type névrotique" qui sont de valeur positive mais sans que l’enfant -s’il n’est pas aidé- puisse entrer dans une configuration oedipienne structurante. Dans ce contexte, les clivages –notamment les clivages du moi– soutenus par des défenses archaïques assurent des "fonctionnements en faux-self", où se trouvent maintenues juxtaposées, des positions inconciliables, et sans qu’il y ait conflit interne, au sens du conflit névrotique. De cette manière d’un côté, se développent des aptitudes à la conformité, et même à la suradaptation, mais d’un autre côté, persistent des modalités archaïques de relations, de symbolisation, de fonctionnement mental. L’équilibre établit entre les deux versants est fragile : sa rupture entraîne des accès de panique ou l’émergence de sentiment de vide de la pensée. Pour se protéger de ces expériences douloureuses, l’enfant est conduit à contrôler ses engagements relationnels et à renforcer ses défenses, selon des modalités qui ont pour conséquence d’aggraver régulièrement les défaillances portées aux supports de la pensée et de la représentation ainsi que le désinvestissement de la scolarité. Dès lors, l’"hétérogénéité structurale" justifie des investigations cliniques et psychopathologiques suffisamment approfondies pour qu’on reconnaisse, sur un versant, la présence, en secteur, d’une pensée animiste, prélogique, expression de la toute-puissance infantile, selon des modalités propres au registre de l’équation symbolique ou de la symbolique archaïque – tandis que sur un autre versant, se manifestent des capacités qui se révèlent efficaces, même si elles s’expriment dans des activités contrôlées et neutralisées. » (R. Mises, 2003, p.31-32)

Malgré la richesse et l’exactitude de ces analyses, il y manque selon nous, le "ciment", le lien générateur d’un éclairage nouveau et instructif entre toutes nos conclusions et nos hypothèses de recherche. Comme la plupart des chercheurs, nous avons buté sur la même difficulté, celle du fonctionnement et de l’organisation psychiques des sujets en échec scolaire électif. Du modèle que nous avons finalement pu dégager, nous avions tout au long de nos recherches rassemblé toutes les pièces de cette perspective dynamique et structurale. Cependant, une compréhension linéaire de ces difficultés d’apprentissage singulières ne nous satisfaisait jamais réellement. Il semblait toujours manquer une partie essentielle qui donne sens à l’ensemble du fonctionnement que les chercheurs avaient dégagé par parties. Finalement, nous avons saisi que ce modèle se lisait nécessairement de manière circulaire, à l’image de la notion du temps chez les sujets en échec scolaire électif. En constatant, l’évidence d’une forme spiralée de notre modèle, toute notre réflexion s’en est trouvée presque instantanément éclairée. Nos conclusions se comprenaient enfin par un ensemble de processus liés les uns aux autres dans une logique propre au sujet en échec scolaire électif. Mettre à jour ces processus et comprendre cette logique spécifique à la psyché de tels sujets, c’était parvenir à percer le mystère de leur fonctionnement particulier.

Nous allons donc à présent voir comment les principaux éléments développés au cours de notre recherche, entrent dans ce modèle spécifique de compréhension de ce syndrome. Nous présenterons tout d’abord notre modèle en deux schémas. Puis nous exposerons, les essentiels concepts sous-tendant cette structure. Enfin, nous décrirons les étapes clefs de ce modèle, représentant le fonctionnement psychique caractéristique des sujets en échec scolaire électif.